Le cocotier ex-Pastef est véritablement secoué par des divergences, un temps tues, et même démenties, sur la question de la participation au dialogue, de la libération de son leader. Mais voilà que la réalité et le réalisme politiques ont fini par faire exploser les sentiments étouffés. Peut-être même une stratégie savamment orchestrée. Quoi qu’il en soit, Bès bi constate que le malaise est évident dans ce parti dissous, pourtant très solidaire et soudé dans ses différents combats.
Il est des moments où l’on atteint l’âge de la sagesse. Et en politique, la sagesse, c’est le réalisme. Pour les disciples de Machiavel. A ce stade, personne ne peut certifier que Ousmane Sonko est partant pour le dialogue, pour l’amnistie ou pour le report. Mais il y a de ces sorties qui ne peuvent relever d’un hasard. Surtout que les initiés en la matière sont convaincus que la formule «il n’y a jamais de fumée sans feu» est presqu’une règle en politique. Deux responsables du parti dissous, et pas des moindres, ont eu un discours et des mots édulcorés, qui laissent croire que la case Pastef brûle. Ce n’est point une invention, comme on a l’habitude de le prêter à la presse. Ces saillies viennent bien des «patriotes». Et entre Ousseynou Ly et Imam El Hadj Malick Dramé, on ne peut être naïf pour exclure une synchronisation. La coïncidence est si troublante que les mots, les cibles et le ton ne peuvent être extirpés de l’analyse. Et surtout le timing, la veille du dialogue, ce qui suggère qu’il y a un camp, pro-Sonko, qui milite pour le dialogue, pour l’amnistie et éventuellement un report, et un autre, pro-Diomaye, qui souhaite la poursuite du processus. La suite nous édifiera.
Ousseynou, le «Ly» de la division
D’abord, la forme, Ousseynou Ly est l’un des messieurs Com’ de Ousmane Sonko, une voix autorisée qui jouit d’une légitimité certaine au point d’être souvent envoyé sur les plateaux. Et il prend quand même des gants pour justifier la fin de son silence. «Certains ont dû certainement noter un mutisme de ma part sur la situation politique du Sénégal. (…)», a-t-il d’emblée indiqué, précisant plus tard dans sa contribution, un long pamphlet
aussi, que son propos «n’engage que (lui) et n’est imputable ni à Pastef ni à la coalition Diomaye Président». L’essentiel pour Ly et Dramé, c’est que Sonko sorte de prison. Mais le sera-t-il sans contrepartie pour Macky Sall ? En vérité, les deux pastéfiens n’en ont cure de ce qui sortira du dialogue. «Que Macky Sall décide d’organiser les élections avant le 2 avril ou bien au-delà, nous devons refuser d’être les perdants pour une énième fois car loin de nous se dessinent encore des reconfigurations politiques auxquelles on veut nous éloigner en nous demandant de rester sur les ‘’principes’’», décrète M. Ly. Or, au même moment, Diomaye Président réfute catégoriquement que Macky Sall reste au-delà du 2 avril justement. Et à ne pas oublier sa casquette de membre du cabinet de Sonko. Donc, là où on prépare tous les plats à servir aux Sénégalais, aux médias !
Imam Dramé se range finalement
Certains ont du mal à accorder du crédit à Imam Dramé. Pourtant, il n’est pas que membre du Mouvement des domou daraa des patriotes (Modap). Sous le para- vent d’un esprit libre, il est allé trop loin sur Senegal7, jusqu’à lâcher des insanités sur les opposants, qui plus est des membres du FC25 qui ne voudraient pas que Sonko soit libre. «Sonko n’a jamais dit qu’il ne dialogue pas mais qu’il ne le fera pas avec le pistolet sur la tempe. Quiconque refuse le dialogue n’est pas mu par l’intérêt supérieur de la nation», a-t-il insisté. Se mettant ainsi à dos le président du Modap dont il est le porte-parole, obligé de le recadrer. Dans une vidéo sur Naadi Tv, Imam Cheikh Tahir Fall dit : «En tant que président du Modap et de Diomaye Président, je tiens à préciser que le dialogue n’est même pas dans nos priorités. Quiconque y participe, cela n’engage que lui.» Imam Dramé, qui a brandi son invitation au dialogue, est revenu sur ses propos, estimant avoir entendu le message de ses «frères» et a décidé de se ranger sur décision du parti. Ceci dit, il faut rappeler que Imam Dramé faisait partie, avec Mountakha Kane et Serigne Mbacké Ndiaye, du trio qui avait joué les bons offices pour une audience entre le Président Macky Sall et le khalife général des mourides au lendemain des émeutes de juin 2023 qui avaient suivi la condamnation de Ousmane Sonko.
De gatsa gatsa à molo-molo
L’ex-Pastef, à force de combats, de victoires et de défaites, est à l’épreuve de la réalité. Du système qu’il abhorre et qui a fait sa puissance. Ce système, ce sont les arrangements politiques, les compromis, et même les compromissions. Comme les négociations qui ont abouti à la libération des détenus «politiques» pour la plupart proche de lui. Ou encore ce dialogue qui divise son camp. La prison est aussi un apprentissage, une école de la vie. Ce subit appel à plus de «lucidité» de Ly, après le «gatsa-gatsa», interroge tout de même. Lisons bien les éléments de langage de Dramé et Ly. Le premier reprend les termes de Macky Sall lors de son entretien avec AP avertissant la classe politique contre une prise du pouvoir par des «forces organisées», que tout le monde, ou presque, voit comme un coup d’Etat militaire. «Il est important de réfléchir à ce que Macky Sall a dit. C’est lui le président de la République et, à ce titre, il est le mieux renseigné. Si l’armée prend le pouvoir tout le monde perdra», a dit Imam Dramé. Il a été conforté par Ousseynou Ly dans sa contribution publiée par Seneweb et intitulée «Président Ousmane Sonko, acceptez de sortir svp !» : «Oui je suis formel, certains qui se réclament de l’opposition ou de la société civile préféreraient le statu quo d’une situation profitable à un coup de force militaire que de voir Pastef prendre le pouvoir en 2024.»
Tir groupé sur les alliés de l’ex-Pastef
Et puis, ce tir groupé sur l’opposition, entendez les alliés dans Diomaye Président, est digne d’une intention de mettre un coup de pied dans la fourmilière de cette coalition qui a pris forme et qui est redoutée par sa composition. «Si on ne va pas au dialogue, le Président prendra sa décision qui s’imposera à tout le monde. Où sont ceux qui disaient que Sonko n’ira pas en prison ? Il est au Cap Manuel non ? Et il y en a qui sont dans l’opposition et qui ne veulent pas que Sonko sorte de prison, qui lui souhaitent même la mort en prison», fulmine encore imam Dramé. Qui «passe la balle» à Ouseynou Ly : «Les principes, la démocratie et l’Etat de droit n’ont pas commencé le 3 février 2024. C’était bien avant. (…) Si nous n’y parvenons toujours pas, à part quelques manifestations, c’est parce qu’il n’y a pas une sincérité de l’engagement dans ce combat. Mieux, je vous révèle ici que certains, entre quatre murs, ont même donné leur accord pour une place dans un futur gouvernement de transition de courte durée.» L’ex-Pastef attendra Sonko avec cette loi d’amnistie. Il restera à savoir si le processus sera repris. Ça changerait tout.