L’accélération de la souveraineté alimentaire est l’une des priorités du gouvernement qui a joint ce volet à la dénomination du ministère de l’Agriculture. Le Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac) joue un rôle essentiel dans l’atteinte de cet objectif. Son coordonnateur, Djimo Souaré s’explique, avec Bès Bi le Jour, et fait le point sur les Dac un an après sa prise de fonction.
Vous venez de faire un an à la tête du Prodac. Qu’est-ce qui a été fait ?
Le Programme des domaines agricoles communautaires se porte bien, malgré les nombreux défis auxquels il a fait face depuis sa création. Une nouvelle dynamique a été lancée sur le même élan que mon prédécesseur. Nous poursuivons notre mission qui, je le rappelle, est double : aménager des domaines agricoles et promouvoir l’emploi et l’employabilité à travers l’installation d’entreprises rurales dans les Dac. Pour cette dernière, nous faisons focus sur l’incubation des jeunes au développement de compétences en entreprenariat agricole, à travers nos centres de formation et de services agricoles (Astc, communément appelés en anglais Assistance service and training center. Ces centres sont installés dans «le cœur des Dac». En plus de ces deux axes stratégiques de notre mission, le Prodac contribue à l’atteinte de la souveraineté alimentaire grâce à la production agricole réalisée dans les Dac. Actuellement nous avons 3 Dac opérationnels sur les 10 prévus dans le programme à l’origine. Il s’agit des Dac situés à Seffa, dans le département de Sédhiou, Keur Momar Sarr, dans le département de Louga et Itato dans la région de Kédougou. Ce qui nous donne une capacité d’accueil de 600 groupements d’entreprises agricoles pour 9000 sociétaires et 27 000 incubés pouvant être formés à l’entreprenariat agricole. Nous avons 2 autres en finition qui seront opérationnels en début d’année. Ils sont situés à Sangalkam dans la région de Dakar et à Keur Samba Kane dans la région de Diourbel. Nous avons également lancé, depuis avril 2023, le programme d’aménagement de 4 nouveaux Dac dont la réception est prévue au dernier trimestre de 2024. Ils permettront au Programme d’accroitre sa capacité d’accueil à 1800 entreprises rurales, pour 30 000 emplois directs et auront la capacité annuelle d’incuber et former 90 000 jeunes à l’Entrepreneuriat rural.
Le Prodac s’est fixé comme objectif d’aménager 30 000 hectares de terres et la création de 300 000 emplois pour les jeunes d’ici 2024. Où en est-on ?
Comme tous les programmes, le Prodac s’est fixé des objectifs ambitieux mais réalisables, suivant la lettre de mission qui lui a été assignée par le président de la République. Nous poursuivons l’aménagement des domaines agricoles communautaires, qui a connu un certain retard du fait de plusieurs facteurs difficilement maitrisables et qui sont inhérents à l’évolution des projets. Néanmoins, nous disposons présentement de plus de 30 000 hectares que nous sommes en train d’aménager progressivement. Cela nécessite la mobilisation d’énormes moyens. L’Etat du Sénégal a fait d’énormes efforts depuis 10 ans pour construire les infrastructures de base dans les Dac en termes de logements, de centre de formation, d’équipements agricoles et de conservation. En termes de résultats, notons que les Dac de première génération, étendus sur 10 000 hectares, sont effectivement opérationnels et accueillent continuellement des Groupements d’entrepreneurs agricoles (Gea) pour des productions permanentes et en hivernage. La réception des 4 Dac en travaux actuellement portera cette capacité à 16 500 hectares. Le reste est réparti entre les Dac de Notto Diobass et de Matam où nous disposons de 10 000 hectares, rien que dans cette zone. Nous travaillons à trouver des financements publics et/ou privés et nos perspectives sont bonnes et rassurantes. Cependant, dès 2024, avec le fonctionnement de 9 Dac, nous serons en mesure de générer des emplois directs et indirects de façon massive.
D’après la presse, certains domaines agricoles communautaires ne fonctionnent pas. Vous le confirmez ?
Les domaines agricoles qui sont terminés fonctionnent correctement, incubent des jeunes, accueillent des entrepreneurs ruraux et même des sociétés privées qui en font la demande. D’ailleurs, pour le Dac de Keur Momar Sarr, un projet d’insertion de jeunes lutteurs qui ont décroché sur l’entreprenariat dans la filière ovine est en cours. Une cohorte de 100 entrepreneurs vient d’être formée en partenariat avec l’association des sages de la lutte et une société privée d’accompagnement en élevage. La Der financera une phase opérationnelle test de 10 entreprises d’élevage ovines sur 10 hectares avant la fin de l’année. Et si tout se passe bien, nous passerons à son extension à 100 bénéficiaires pour 100 hectares et près de 1 000 emplois. Même dans les autres Dac où les aménagements sont en cours, des activés d’accompagnement se déroulent, chaque année, en période d’hivernage. Rien que pour cette année, nous avons accompagné et appuyé 3 000 exploitations familiales à réaliser leur campagne agricole de façon intégrale, dans la fourniture d’intrants et l’adoption de bonnes pratiques. Les bénéficiaires de ce projet, le Papadac, auront les meilleurs rendements du Sénégal.
Justement le Prodac a lancé le Projet d’appui à la production agricole des Dac (Papadac), pour appuyer les producteurs. Mais ces derniers se plaignent toujours du manque d’accès aux intrants, aux machines agricoles.
Ce n’est pas le cas pour les bénéficiaires que nous avons accompagnés. Nous leur avons fourni les intrants et les équipements nécessaires à leur campagne agricole et les premières récoltes sont plus que satisfaisantes. Nous ferons le bilan au mois de février 2024 et nous préparons la prochaine campagne où nous accompagnerons l’emblavure de 10 000 hectares à travers toutes les zones d’implantation des Dac. Nous ambitionnons d’impacter 50 000 emplois saisonniers.
Des études préconisent l’innovation dans le secteur agricole. Que fait le Prodac dans ce sens ?
Le Prodac a mis l’innovation au cœur de sa stratégie. L’innovation dans l’énergie en est l’illustration. Notre objectif est d’équiper tous nos Dac d’énergie solaire pour réduire la consommation en énergie fossile et développer une économie verte impactant dans ces zones. Nos Dac de 2ème génération par exemple débuteront directement avec des centrales solaires de 1 MW chacun. Nous utilisons aussi des technologies de dernière génération dans la planification et le suivi des productions de nos groupements d’entreprises agricoles. Nous avons un service dédié entièrement à l’innovation au niveau du Prodac et un autre gérant tous les aspects cartographiques, météorologique et système d’information géographique ainsi que tous ce qui est lié à la technologie et aux télécommunications de suivi à distance des productions.
L’autosuffisance alimentaire est un défi que le gouvernement ambitionne de relever à travers différents programmes. Quelle est la partition du Prodac dans l’atteinte de cet objectif ?
Le Prodac, bien que sous la tutelle du ministère de la Jeunesse, de l’entreprenariat et de l’emploi, collabore entièrement avec le ministère l’Agriculture, de l’équipement rural et de la souveraineté alimentaire pour développer des synergies permettant d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. D’ailleurs, cet objectif fait partie des missions assignées au Programme. Rien que pour cette année, nos Dac contribuent à hauteur de 15 000 tonnes de produits (maïs, arachides, niébé, poissons, volaille) à travers nos groupements d’entreprises agricoles et les exploitations familiales accompagnées durant l’hivernage. Pour les années à venir, nous mettrons tous le savoir-faire et les terres à la disposition du Prodac pour intensifier la production locale et permettre au Sénégal d’atteindre cet objectif le plus rapidement possible.
Entretien réalisé par Fodé Bakary CAMARA