Ce qui nous arrive aujourd’hui, c’est le choc brutal entre l’idéal porté pendant dix ans de lutte et la réalité du pouvoir. Le pouvoir confronte les idées à une machine institutionnelle lente, complexe, parfois hostile. Pendant une décennie, nous avons combattu Macky Sall et son système. Mais nous avons passé plus de temps à dénoncer qu’à nous préparer à gouverner.
On le sent désormais : certains patriotes dans l’exercice du pouvoir peinent à maîtriser les rouages de l’État, les subtilités du droit administratif, les exigences des finances publiques ou les codes de la diplomatie. Et dans ce nouvel espace de pouvoir, les fractures entre radicaux, pragmatiques et idéalistes explosent.
Les ambitions s’aiguisent. Ceux qui n’avaient jamais connu ni chauffeur, ni honneurs, ni jamais pris un avion, ni titres, se lancent dans une course folle pour écarter les voix fortes et faire de l’ombre à ceux qui dérangent. Le pouvoir commence à corrompre les attitudes. On forme des cercles de fidèles, on exclut, on dresse des murs. Les esprits libres deviennent suspects. Les non-alignés sont priés de se taire ou de disparaître.
La peur de tomber et laisser les délices du pouvoir pousse à vouloir durer. Alors on compose, on ménage, on modère. L’unité d’hier devient une lutte d’égos, une compétition pour les postes, une guerre silencieuse dans les couloirs.
L’opposition est une école du combat. Le pouvoir est une école de la responsabilité. Peu parviennent à relier les deux sans se perdre. Le vrai défi n’est pas d’avoir conquis le pouvoir. C’est de le transformer sans se laisser déformer.
Chérif Sy