Depuis près de vingt ans, le Sénégal déploie une diplomatie économique active, multiplie les forums internationaux et les road shows à travers le monde. Ces initiatives ont donné une visibilité incontestable au pays et positionné le Sénégal comme une destination attractive en Afrique de l’Ouest. Mais force est de constater que, malgré les annonces, les résultats concrets demeurent timides. Trop souvent, les promesses d’investissement restent au stade d’intention.
Le constat n’est pas propre au Sénégal : plusieurs études internationales montrent que les grands forums d’investissement sont rarement des moments décisifs dans la décision d’un investisseur. Ils jouent un rôle de signal et de confiance, mais les décisions effectives se prennent ensuite, sur la base d’éléments plus tangibles. Et de nos jours l’information se trouve sans avoir à se déplacer.
L’heure est donc venue d’inventer une nouvelle manière de promouvoir l’investissement : plus ciblée, plus connectée, plus crédible.
Les investisseurs d’aujourd’hui privilégient les réseaux d’affaires sectoriels, les plateformes numériques de mise en relation directe, et les écosystèmes locaux solides où les projets sont prêts, les partenaires identifiés et les règles claires.
L’APIX, qui a su construire cette visibilité internationale, peut désormais amorcer une nouvelle étape : celle de l’investissement intelligent et de proximité.
Cela suppose de déployer des instruments innovants :
• des clubs d’investisseurs par filière (santé, agriculture, numérique, énergie, tourisme, etc.) ;
• des fonds d’investissement thématiques associant le secteur privé local et la diaspora ;
• une plateforme digitale nationale recensant des projets régionaux prêts à financer ;
• et des mécanismes de cofinancement public-privé plus souples et décentralisés.
Mais au-delà des outils, il faut redéfinir la finalité même de la promotion des investissements : mettre le capital privé au service du bien public.
Il y a quelques jours, le récit dramatique d’une femme accompagnant un proche admis aux urgences dans un hôpital régional a bouleversé l’opinion. Son témoignage, empreint de désespoir et de colère, disait tout : le sentiment d’abandon, la désolation, le manque de tout. À travers ses mots, c’est toute la fragilité de notre système de base qui apparaissait.
Ce n’est pas un manque de volonté, mais la marque d’un service public à bout de souffle, qui a besoin d’être soutenu, repensé et renforcé
L’investissement privé peut et doit contribuer à combler ce vide. Il ne s’agit plus seulement de grands projets ou de zones industrielles, mais aussi de financer des services publics essentiels : hôpitaux, écoles, marchés, assainissement, énergie de proximité, gestion des déchets, fourrières municipales, gares routières….
Les Partenariats Public-Privé territoriaux (PPP locaux) sont l’un des leviers les plus prometteurs. Ils permettraient aux communes et aux départements de monter des projets adaptés à leurs besoins, en mobilisant des capitaux privés sur des modèles transparents et durables. Pour cela, il faut outiller les collectivités : créer dans chaque région un guichet technique et financier, réunissant l’État, les institutions publiques ( APIX, DER, FONSIS, ADEPME, Partenaires multilatéraux et bilatéraux), les banques et les entrepreneurs locaux. Ces structures aideraient à une co construction territoires- secteur privé- structures d appui pour concevoir, financer et suivre des projets de proximité à fort impact. Des dispositifs certes existent, mais il faudrait les réinventer.
La diaspora doit aussi occuper une place centrale dans cette nouvelle architecture. Elle est déjà le premier investisseur du pays, mais son action reste dispersée. Il est temps de lui offrir des mécanismes structurés : des fonds de co-investissement diaspora-territoires, des véritables obligations locales dédiées et sécurisées, ou encore une plateforme numérique de projets communautaires où chaque Sénégalais de l’extérieur pourrait investir directement dans une initiative locale fiable et mesurable.
Enfin, cette refondation doit s’accompagner de réformes structurelles visibles : au-delà du classique des procédures simplifiées, des démarches digitalisées, une sécurité foncière garantie et des délais transparents, bâtir des mécanismes plus adaptés à la réalité de nos économies A quand un code des investissements ou un code douanier qui prendrait en charge résolument la question de l’informel.
Repenser la promotion des investissements privés, c’est passer de la séduction à la solution.
Moins de place pour les discours et les incantations, et plus de temps pour le travail de fond : l’ingénierie, la structuration, la mise en place de processus simples, clairs et actionnables, capables de produire des résultats mesurables.
La maturité d’une nation exige qu’elle sache sortir de la démonstration pour entrer dans la réalisation. Aller vers l’essentiel, réduire le superflu. Cela vaut aussi pour la promotion des investissements privés.
L’ancrage dans les territoires, les communautés et les services essentiels n’est pas un repli, mais un pari d’avenir : celui de répondre concrètement aux besoins quotidiens des populations.
Un chantier d’innovation à échelle humaine, qui pourrait bien être le prochain grand défi d’une structure phare comme l’APIX.
Souleye Wade, Spécialiste appui au secteur privé et partenariats public privé