Rien n’arrive sans raison. Nous voilà au Sénégal face à un faisceau de situations certes difficiles, parfois même inattendues mais qui s’expliquent.
La conjoncture sociopolitique est décriée. Une demande de résultats se faufile dans les cris du cœur provenant des couches fragiles de la société.
Des intérêts carriéristes surgissent et s’agrègent pour dominer le débat public dans lequel le pouvoir est absent, inaudible. Peut-être même a-t-il perdu l’initiative !
Où sont ses remuants partisans d’alors ? Sont-ils à l’étroit, engoncés dans leurs nouveaux habits ? Ont-ils disparu de la scène pour « jouir » en cachette d’un élixir de jouvence ?
L’impatience de l’opinion se mêle à un semblant de dégoût teinté de culpabilité envers certaines figures du régime actuel.
Très vite, très tôt ou peut-être même trop tard, Ousmane Sonko est sorti de son… »mutisme », flairant le danger. Il a horreur de perdre. Mais il adore les défis, politiques surtout. Sous sa double caquette de chef du Pastef et du gouvernement, le climat actuel l’incommode.
Difficile de ne pas voir dans sa récente sortie un subtile moyen de se dédouaner (en se blanchissant) tout en se défaussant de ses responsabilités (en les imputant à autrui).
La manœuvre se veut habile. Mais l’opposition, quelque peu dispersée, se réveille comme par enchantement et y voit déjà une belle opportunité de sonner le tocsin.
L’occasion est rare pour ne pas être saisie. Le vacarme est bruissant voire infernal au lendemain du Conseil national dont Sonko tenait la vedette.
Il est convenu de constater en le déplorant, l’existence d’une crise politique jusque-là niée ostensiblement, mais bien réelle maintenant. En revanche elle est diversement appréciée dans les chappelles politiques et interprétée différemment chez les analystes les plus sérieux.
Et si au sommet de l’Etat, la partition servie avait valeur de stratégie de remobilisation ?
Le silence entretenu par le Président de la République puis rompu à la cérémonie de reception du rapport du Dialogue national dénote une volonté de dédramatiser les oppositions imaginées, simplificatrices.
L’ambiance actuelle traduit bien un malaise empêchant toutefois d’appréhender les risques de dérives, la décote de l’économie au bord d’un précipice récessif et (surtout) la lancinante baisse de revenus des ménages sénégalais. Dans les rangs de la majorité (Pastef, Parlement et Gouvernement), l’inquiétude s’étend et grandit.
Ce que comprenant, Sonko tente de calmer le jeu pour maîtriser l’enjeu en utilisant l’argumentaire de conviction. A-t-il été convaincant ? A lui de prouver l’efficacité de son action de gouvernance.
À lui également de rassurer qu’il incarne l’autorité en « complicité » avec le Chef de l’Etat, attentif aux légers effluves de ce qu’il convient désormais d’appeler une démocratie d’opinion aux antipodes d’une démocratie représentative très mal en point. Le politique marque le pas. Et puisque la nature a horreur du vide, les colères fusent.
Il ne faudrait pas dés lors s’étonner qu’elles fusionnent par nécessité en imposant leur fait au pays en proie à une mollesse de sa classe politique en manque de leadership, de discours nuancé et de cohérence. Le pays ne dispose pas d’un grand livre de recettes pour aborder un chapitre consacré à l’efficacité économique. Pour preuve, nombre de chantiers sont à l’arrêt.
Faute d’impulsion et de relance, l’atonie guette bien des secteurs désemparés. L’effritement du tissu industriel s’observe à l’œil nu avec moins de commandes, des fabriques au ralenti et un maintien hypothétique des effectifs.
Or le désœuvrement constitue une menace pour un gouvernement soucieux avant tout de préserver la paix sociale. Ne pas exclure non plus la hantise de « pertes de volume d’exportation ».
A cet égard, il n’est pour s’en convaincre que la volonté d’Abidjan de compétir à « armes égales » avec le Ghana et le Nigeria, locomotives de la Cedeao.
Autrement dit, le Sénégal s’endette par nécessité et couvre même les engagements des grandes sociétés publiques, à l’image de la Senelec, bénéficiaire d’un récent prêt de 30 milliards de francs Cfa de la BOAD destinés à soulager ses créanciers, en l’occurrence ses propres fournisseurs d’énergie.
Une telle frénésie d’endettement, même si elle n’érode pas le crédit du Sénégal, creuse néanmoins les déficits. D’aucuns estiment cependant que l’aval des prêteurs en dernier ressort fortifie la position de Dakar qui doit afficher une certaine vigueur en se redonnant des moyens à sa portée.
L’extension de l’assiette fiscale en est un, adossé à l’équité pour « payer son juste dû ». Ce qui aurait l’avantage de soulager les bas revenus. Et puis l’Etat ne peut s’exonérer d’agir pour une « dépense publique efficiente » porteuse d’exemplarité. Et de crédibilité.
L’antidote serait la baisse de la dépense publique ostentatoire en affichant une réelle détermination à placer la dette « sous contrôle » alors que l’opposition parlementaire en doute avec des arguments recevables.
Les pouvoirs publics affrontent des récifs minés et escarpés. Ont-ils les moyens de se presser sans se précipiter, de satisfaire la présente demande sociale sans hypothéquer les générations à venir, de passer à l’acte sans abuser de la vindicte comme mode de vengeance populaire, même s’ils s’en défendent ?
Il faut de la dextérité pour juxtaposer ces impératifs en évitant d’être à la merci de créanciers dépourvus d’états d’âme. La dette est une chose, les intérêts, une fortune !
Après les alternances, à quand les alternatives ?
Par Mamadou Ndiaye