Quelle époque ! Les sujets complexes sont abordés avec une déconcertante simplicité par des personnes très peu qualifiées.
Sans arrêt, elles bondissent de plateaux télévisés en studios radio et slaloment de chaînes Youtube en plateformes digitales pour prêcher la « mauvaise parole ».
Ces personnes, souvent les mêmes, écument les débats, s’expriment sans gêne et, plus grave, ne doutent de rien, convaincues d’être écoutées, entendues et comprises par les publics et les audiences.
Elles indisposent mais ne s’en aperçoivent pas ! Les tribunes leur offrent de la notoriété et de la visibilité, deux leviers indispensables dans leur quête d’autorité pour masquer l’incompétence notoire.
D’une scène à l’autre, l’arsenal de séduction déployé couvre les incohérences et les failles vite décelées mais jamais dénoncées par les esprits doués de raison.
Or le silence observé devant ces « comédies de boulevard » encourage ces honteuses pratiques qui confèrent désormais à leurs auteurs une sulfureuse respectabilité sociale.
Les sachants, les talents et les professionnels s’écartent pour ne pas être confondus alors que l’espace qu’ils libèrent trouve assez vite des acquéreurs, donc des occupants putatifs. La croyance erronée bouscule la légitimité et s’octroie de ce fait une validité que personne ne conteste. Étrange.
Autant de manquements ruinent toute ambition propre tout en donnant l’illusion d’une voie royale de réussite sans labeur, sans sueur, sans effort. Autrement dit sans épreuves de vie.
De tels travers, au demeurant bien répandus, fragilisent la société sénégalaise et désarticulent ses fondements. Aucune voix audible ne s’offusque de ces gravités. A la limite « qui ne dit mot consent ! »
L’excès de vertu devient un vice, comme le dit avec détachement et non sans pertinence, un humoriste inspiré…
Bien entendu pareil scénario est catastrophique dans un Sénégal qui se cherche, se mobilise mais encore tenaillé par des peurs millénaires qui le figent.
Des débats sérieux, parce que féconds, il en manque dans le pays qui en demande pourtant. Il est vrai que le parcours démocratique nous vaut estime et considération sur un continent ravagé par les conflits, les guerres et une instabilité presque chronique dans bien des zones décrétées des « no man’s land ».
Sommes-nous à l’abri d’un renversement de perspective ? Ce qui arrive à d’autres nous épargne-t-il foncièrement ? Est-il sûr de brandir le Sénégal comme un îlot de relative prospérité cerné par un océan de chamboulements ? A la limite ces questions gênent.
Comme une peau ratatinée, la démocratie se rétrécit dans le Sahel. Inversement, des régimes autoritaires, issus de coups de forces, s’établissent au Niger, au Burkina et au Mali où la vie politique est même effacée d’un trait de… badigeon par une junte qui s’est octroyé un pouvoir illimité. La Guinée !
Dans ces différents pays susmentionnés, les populismes avaient réclamé et obtenu le départ de la France de leur sol. Ici ou là les méthodes employées pour parvenir à ces fins n’ont pas été élégantes puisqu’elles frisaient l’humiliation. Parfois même les convois des militaires français ont été conspués le long des interminables processions vers leur point de destination ou de ralliement.
Oublie-t-on que ces jeunes soldats sous les drapeaux obéissent au politique ! Avec quelle impression repartent-ils vers l’Hexagone ?
Le devoir de servir constitue un bref épisode de leur vie. Demain il seront experts, chefs d’entreprise, personnalités influentes, politiques chevronnés ou acteurs de premier plan dans l’éducation, la santé, l’énergie, les mines, l’investissement, la finance, l’intelligence artificielle, l’Internet, le climat et les océans.
Ains, demain se prépare dès aujourd’hui s’il n’est déjà anticipé depuis hier ! A la différence du Burkina, du Mali et du Niger, le Sénégal a organisé avec Paris, le départ honoré des forces françaises. Les emprises ont été retrocédées proprement.
Le départ est-il pour autant définitif ou revêt-il une autre forme ? Bien entendu des entreprises françaises prospèrent encore au Sénégal et occupent des positions enviées et avantageuse.
En revanche, une lecture plus contemporaine des enjeux a poussé la France à lever le pied en Afrique de l’ouest où l’hostilité reste toujours vive pour orienter sa robuste diplomatie vers l’Afrique australe où le business est moins regardant sur la couleur de peau ou l’origine de l’investisseur potentiel.
Donc la France se redéploie sur d’autres aires tout en entretenant avec les pouvoirs des relations de partenariats qui ne manqueraient pas de s’exercer à l’occasion. Or le départ de la France du Sahel a aussitôt accru l’intérêt de Washington pour la région.
La récente rencontre à la Maison Blanche de cinq Chefs d’Etat africains avec le président Trump en dit long sur le regard prospectif des Américains qui font de l’Atlantique une Nouvelle frontière de type kenedien.
Cette immense océan de plus de 100 millions de kilomètres carrés devient stratégique pour les USA face à la puissance montante de la Chine qui gagne en influence par la route de la soie et surtout par l’épaisseur de son chéquier. Du Nord au Sud, l’Atlantique se réinvente en un futur espace de convoitises.
Dans cet ordre d’idées, le Maroc rectifie la trajectoire de sa diplomatie en Afrique subsaharienne en faisant de l’Atlantique l’axe pivot de sa nouvelle initiative. Quelques vingt-trois pays jalonnent la facade maritime de ce Grand Bleu perçu comme une puissance en devenir.
Le Royaume considère sa « profondeur africaine » comme un facteur dopant au double plan politique et économique. Rabat a en ligne de mire le basculement géopolitique qui place le continent Africain au centre des enjeux futurs.
A cette fin, l’ambassade du Royaume chérifien à Dakar a organisé lundi un brillant séminaire centré sur les chaines de valeur dans une perspective d’émergence de l’Atlantique.
Hassane Naciri, ambassadeur de Sa Majesté Mohamed VI, avait convié de grande figures de l’élite sénégalaise à une réflexion prospective de haut niveau en symbiose avec des universitaires marocains de renom.
Moustapha Niasse « Baobab de la politique africaine » a, malgré le poids des ans, rehaussé de sa présence ce mémorable raout qui fera date… Un signe.
■Par Mamadou NDIAYE
