« Bien rire fait rire, bien faire fait taire ! » La planète se réchauffe. Les températures de l’air sont anormalement élevées. Il n’y pas point un coin du globe qui échappe à ce phénomène climatique sans précédent.
Désormais, tout un chacun change d’angle de perception de ces bouleversements. Maintenant le sérieux doit habiter l’humanité. Elle fait face à des complexités. Les zones humides s’assèchent Les grandes prairies manquent d’eau. Tandis qu’il pleut des cordes dans le Sahel !
De l’Inde au Mexique, de l’Asie à l’Arabie en passant par l’Afrique ou l’Océanie, les fortes canicules entraînent des mouvements inédits de populations sans comparaison à l’échelle de l’histoire. L’aridité (et même l’acidité) des sols les rendent impropres à la culture. Ces espaces deviennent invivables.
Que faire ? « Ailleurs » s’offre comme une réponse fantasmée, principalement chez les jeunes toujours plus prompts à quitter pour des voyages souvent « sans retour ». Les naufrages se multiplient au large des côtes de l’Atlantique qui engloutit de vies comme autrefois le radeau de la Méduse…
A ces drames maritimes, s’ajoutent de plus en plus des tragédies terrestres. Au Soudan, le thermomètre affiche 50 degrés à l’ombre. Cela n’empêche pas, dans le sud-est, une guerre à « huis clos » entre fractions militaires rivales qui font peu de cas des Soudanais pris entre des feux nourris.
Ils vivent sans abri et sont « étrangers » dans leurs pays où s’exprime à tue-tête une violence aveugle sur fond de haine médiévale et de méfiance belliqueuse.
Drapé dans sa dignité ancestrale, le Maroc s’efforce de s’en sortir en pilotant lui-même les stratégies de riposte. Un tremblement de terre meurtrier, des pluies torrentielles dans 14 régions, et des chaleurs torrides sur l’ensemble du royaume, voilà des effets cumulés qui auraient pu faire rebrousser chemin au plus téméraire des amoureux du royaume chérifien.
Au Tchad, des régions entières sont inondées et les populations qui y vivent, prisonnières des eaux, lancent des appels inaudibles à l’aide et au sauvetage. Déjà cinq cents morts ! Un million de Tchadiens sinistrés…
Pareil au Niger où les pluies diluviennes ont tout ravagé sur leur passage. Démunis et désemparés mais orgueilleux, les militaires au pouvoir à Niamey ne parviennent même pas à organiser les premiers secours. « Sauve qui peut. »
Inquiets pour leur futur, ces hommes et ces femmes, victimes des calamités, déplorent l’indifférence du « monde à leur sort. » Derrière ces traumatismes endurés, se cachent de vives volontés d’échapper à l’enfer.
Les migrations vont s’intensifier. Car les problèmes écologiques ignorent les frontières. D’autant que les peurs et les passions ne constituent plus des obstacles insurmontables sur le chemin de l’exil. Ils viendront grossir les rangs des migrants en quête d’hospitalité sous des cieux beaucoup plus cléments.
Du reste, existe-t-il d’endroits sûrs dans ce monde troublé et agité ? Les candidats au voyage n’en ont cure. Ce qu’ils vivent est pire que toute seconde vie susceptible d’être envisagée ailleurs. L’arrivée massive au Sénégal de Nigériens visiblement démunis avait ému plus d’un. La presse s’en était fait l‘écho, poussant les autorités d’alors de Niamey à convoyer des avions à Dakar pour un rapatriement de leurs ressortissants.
L’opération a été un flop. Puisqu’un plus grand nombre est venu quelques semaines plus tard grossir les effectifs sur les principales artères de la capitale sénégalaise. Et il y en aura davantage après ces ravageuses inondations qui ont marqué les esprits. Affligeant et désolant spectacle qui nous interpelle.
Les politiques, autrement dit les dirigeants, doivent se défaire de leurs entourages pour prendre des responsabilités conséquentes. La gestion des complexités est le lot de ceux qui aspirent à gouverner les Africains, toutes nationalités confondues. L’occulter frise la lâcheté.
Mais l’absence de vigilance des contre-pouvoirs s’apparente à une indicible docilité. L’urgence consiste à comprendre les phénomènes qui s’enchaînent et déclencher des mobilisations aux fins de les enrayer. La fine bouche est un artifice grossier voire grotesque devant des drames qui affectent presque tous les pays.
Ceux-ci ont à unir leurs forces et leurs efforts en s’apercevant que la générosité s’inverse. En effet, les pays africains négligent de s’alarmer de ce réchauffement du climat dont les conséquences s’apprécient à long terme. Plus il fait chaud, moins il y a de populations sur ces aires hostiles.
A termes, elles se dégradent et provoquent des départs massifs. En définitive, elles cessent d’être des zones de « croissance potentielle » et perdent les rares gains de productivité qu’elles avaient comme atouts majeurs. Partout ailleurs, les hommes s’adaptent aux situations.
La verdure est partie intégrante de tout projet immobilier. Des jardins de fraicheur sont conçus dans les villes pour soulager les habitants et les touristes. En Arizona, les autorités municipales ont crée des « cooling centers », sorte de couloirs frais pour atténuer la canicule qui sévit et permettre ainsi aux citoyens de respirer.
La chaleur s’ancre dans le réel. Tous les pouvoirs doivent en tenir compte et assumer à cet égard de grandes responsabilités de protection. Cela devient un droit. Et le réclamer relève même du devoir.
Contre toute attente, l’Allemagne se voit obligée de restreindre sa politique migratoire. Le récent succès électoral de l’extrême-droite allemande sonne comme une alerte si ce n’est l’amorce d’un changement de perspective et le retour à plus de réalisme endogène.
Première économie de l’Europe, Berlin infléchit sa stratégie. Paris n’est pas loin pour chausser les mêmes bottes de précaution. L’extrême-droite française pèse plus et compte peser davantage sur les choix décisifs, contraignant de fait le Président Macron à une « cohabitation » qui ne dit pas son nom. Elle ne lâche rien du reste.
La nomination tardive du Premier ministre français témoigne des difficultés accrues du moment au sein d’une classe politique très peu lisible. Ces remue-ménages au sein de l’Europe vont naturellement impacter les aires géographiques pourvoyeuses d’immigrés. Ils forment l’ossature de la diaspora.
Par leurs transferts monétaires annuels, ils renforcent leur aide aux familles restées au pays. Les banques d’investissement estiment que les envois de fonds des migrants « pulvérisent des records ». De concert avec la Banque mondiale, elles estiment à 850 milliards de dollars le total des envois en 2022 !
En clair, ces « migrants économiques » deviennent des recours incontournables. Les flux résistent aux fluctuations conjoncturelles. Les transferts privés triplent l’aide publique au développement. Mieux, ils dépassent de moitié la totalité des investissements internationaux privés dans les pays de l’hémisphère sud.
Dans le futur, les migrations actuelles appartiendraient au vieux monde finissant. Apparaissent de nouvelles mobilités qui prennent en considération l’urgence climatique. Les hommes politiques appréhendent-ils ces dynamiques en cours ?
Il est permis d’en douter vu le faible niveau des débats alors que ces questions revêtent une dimension planétaire. Faute de prévision et d’anticipation, le continent africain subit les causes et les effets des crises cycliques qui s’enchaînent et l’enchaînent.
Mamadou Ndiaye