La France se déchire. La récente décision prise par son président, Emmanuel Macron, de dissoudre l’Assemblée nationale divise profondément la classe politique qui ne perçoit pas les motivations de l’acte ainsi posé.
L’Europe reste hébétée devant cette « folle audace ». Celle-ci découle du revers de fortune du camp présidentiel à la récente élection européenne dont les résultats traduisent la montée en puissance de l’extrême-droite française.
Non seulement elle triomphe mais elle irrite et agace le président qui, pour endiguer le succès du Rassemblement national de Marine Le Pen, met un terme à la législature actuelle et provoque des élections législatives anticipées. La mesure surprend et étonne la majorité qui y voit un risque de dislocation.
Des voix s’élèvent pour dénoncer ce raid solitaire et en même temps titillent l’entêtement du président à n’en faire qu’à sa tête devant la gravité du moment. Selon toute vraisemblance, Macron n’a consulté ni son Premier ministre, ni les deux présidents du Sénat et de l’Assemblée.
Les extrêmes se frottent les mains et se réjouissent de cette opportunité qui leur est offerte de transformer l’essai des européennes. Les sondages et les nombreux analystes qui se succèdent sur les divers plateaux télévisés brossent un plausible scénario de victoire nette du RN et de prise de Matignon comme un retentissant trophée de guerre remporté de haute lutte.
Une partie de la classe politique en perd le sommeil. Les regroupements spontanés à gauche comme à droite ressemblent à des instincts de survie devant la catastrophe annoncée. La dissolution, jugée « absurde » d’un côté et « salutaire » de l’autre, rebat les cartes et compromet bien des carrières politiques qui se dessinaient aux termes du second et dernier mandat de Macron à l’Élysée.
Bon nombres en sont choqués, abasourdis même. Ils ne ménagent pas leurs critiques à l’égard du huitième président de la Vème République française. Pour beaucoup, c’est la fin du macronisme si jamais « il a existé » et ce chamboulement inédit entraîne une révision des parcours, des rapprochements ou des éloignements de trajectoires, l’affirmation d’ambitions, l’anéantissement de projections et l’étouffement de volontés bien réelles.
En un mot, certains ont le « moral dans les chaussettes ». Si rien ne vient altérer ce qui se dessine, le cours des choses postule un changement profond avec le recul des forces centrales et, pire, leur transformation en « forces d’appoint » devant la montée des extrêmes (gauche et droite).
D’ailleurs la parole se libère là-bas. Elle se lâche même à l’image de cette vidéo virale qui met en évidence le sort d’une pauvre dame française noire, Divine, soudainement pointée du doigt par ses voisins de longue date avec une flopée d’attaques et d’injures immondes, l’intimant de « rentrer chez elle » ou « d’aller à la niche ». En attendant, où la vertu, va-t-elle se nicher ?
Devrait-on s’attendre à un bouleversement des codes ? Les lignes Maginot disparaissent. Des digues cèdent. Plus personne ne comprend rien au jeu politique qui s’offre à nous. A mesure qu’il se déploie, l’horizon s’assombrit. Des manœuvres dolosives sont orchestrées par des forces tapies à l‘ombre. Plus de lignes rouge.
D’où le dépassement des clivages dans un contexte volatile marqué par des variations intempestives et des incertitudes sur de longues séquences politiques. Ceux qui pourfendent l’Hexagone par la formule lapidaire « France dégage » en prennent pour leur grade. L’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite va offrir à nos vues un saisissant tableau de radicalité et d’adversité farouche.
Qui pourrait s’offusquer demain si des Africains sont renvoyés « chez eux » par des vols charter de sinistre mémoire ? Malheur aux perdants ! L’ambiguïté des slogans et la navrante vacuité des projections cachent des agendas inavoués avec de graves risques de perturbations de bien des vies de migrants ou d’immigrants établis de longue date en Europe.
Une certaine droite, sensible aux thèses de l’extrême-droite, tente de survivre au chaos politique en concluant des accords infamants avec le « diable ». C’est l’envers du décor connu et reconnu. Est-ce l’enfer en pointillé ? Ce qui se dessine ressemble à une intention délibérée de « diminuer » l’empreinte de la France, détentrice de l’arme nucléaire, donc une puissance militaire qui compte dans le monde.
Vis-à-vis de l’Afrique, Paris est de moins en moins sensible à l’argument émotionnel. Le pré-carré n‘existe plus. D’autant que le Sahel est perçu comme une « région à risques », où prévaut un « chaos permanent » et surtout considérée comme un espace de «frottement stratégique» avec une présence de plus en plus ostensible de la Russie avec Wagner en éclaireur et la Chine résolument conquérante.
Pour preuve le démantèlement progressif des bases françaises et leur rétrocession aux dirigeants des pays concernés libère la France de tout attachement viscéral. Si bien qu’elle quitte « sans état d’âme » des zones où elle s’était sentie vexée ou humiliée pour ne privilégier désormais que des rapports d’intérêts.
D’où le redéploiement en vue de la France vers une Afrique moins antagoniste, plus pragmatique avec une forte culture de l’efficacité économique. La découverte de « terres rares » et minéraux d’exception dans le pourtour du majestueux fleuve Zambèze relance l’intérêt de la France pour cette aire géographique également prisée par la Chine.
Pour Paris, cette Afrique se trouve vers les Grands Lacs, la partie centrale, australe et l’est du continent moins affectée par les nuisances politiques ou de la société civile. En ordre de marche, les Français ont mobilisé toutes leurs forces de savoir, de connaissances, de pouvoir et d’avoir dans l‘optique d’évaluer les chances de leur pays face aux rivalités qui s’expriment avec plus de netteté maintenant.
En inversant ses priorités stratégiques, Paris tire des leçons du passé et se projette sur le continent, nantie d’une relecture féconde des dynamiques en cours, des tendances lourdes et des forces en présence. Même la sécurité est réexaminée à l’aune d’une perception qui privilégie le bien-être et l’éducation des populations, des jeunes notamment pour supprimer les tentations meurtrières des jeunes africains.
L’influence se joue à un autre niveau. Cet enjeu échappe aux dirigeants africains adeptes des grandes parades, des manipulations de constitutions, des prolongements infinis de mandats.
Très peu parmi eux se soucient de la postérité pour laisser à leur tour une empreinte indélébile sur les générations futures. Entend-on l’Union africaine sur les grandes problématiques de l’heure ? Quelle voix est audible dans cette institution d’intégration du continent pour tracer la voie africaine à l’échelle mondiale ? Pas le président de la Commission dont la fonction ne s’émancipe pas de la puissance tutélaire des Présidents toujours jaloux de leurs « prérogatives ».
À l’image de l’UA, toutes les autres organisations régionales sont dans une léthargie qui frise un « état comateux ». Un défaut global de lucidité frappe l’Afrique au moment où elle aiguise des appétits féroces. Ne nous payons pas de mots…
Par Mamadou NDIAYE