Les Sénégalais s’éprennent pour leur pays. Le ciment de cet attachement n’est autre que la liberté qui reste le dénominateur commun autour duquel se fonde l’unité du peuple et de la nation.
Face aux crises et aux situations complexes, ils savent taire leurs divisions sans laisser libre cours à leurs élans, sans sombrer dans l’abjection. Ce sursaut, salutaire en soi, dépasse les orgueils et transcende les égoïsmes en privilégiant la confrontation des idées, des projets, le débat contradictoire pour le jaillissement de la lumière. Il est possible de tolérer la virulence mais pas la purulence !
Un tel retour à l’orthodoxie démocratique bute toutefois contre des obstacles qui ont surgi récemment pour rendre délicate la conjoncture politique. A date échue, l’élection présidentielle prévue le 25 février n’a pas eu lieu. Au grand regret des citoyens. Le décret l’abrogeant a été retoqué par le Conseil constitutionnel, invitant l’administration à organiser le vote dans les « meilleurs délais ».
D’ordinaire mieux informé que le commun des mortels, le président de la République agit en connaissance de cause. Il ne verse ni dans l’approximation ni dans l’incertitude. La prudence et la clairvoyance gouvernent son action qui ne saurait souffrir d’ambiguïté voulue ou feinte.
Les trois pôles de pouvoirs engagés dans la gestion de cette complexité ont d’abord fait prévaloir leurs prérogatives respectives. Pour autant l’équilibre n’a pas été rompu même s’il s’est révélé fragile par moments.
Au contraire, il en est sorti revigoré donnant de nos institutions une vitalité renouvelée au détour d’une convocation de la loi fondamentale comme vecteur et socle de la stabilité de la nation sénégalaise. Aucune d’elle ne s’est rachetée une conduite. Du moins pour l’instant. Aucune d’elle ne s’est non plus munie d’une boussole à l’envers pour brouiller le chemin à suivre. C’est à saluer.
A l’évidence, les Sénégalais s’en réjouissent en dépit de leurs divergences. Ils dissimulent à peine une fierté rentrée qui en dit long sur l’esprit de dépassement dont toutes les générations confondues sont dépositaires. Par devers tout, ils gardent au fond d’eux leur bon sens, mais aussi et surtout, leur libre arbitre.
Ces deux attributs, largement partagés et jalousement préservés au gré des variations des cycles politiques, confèrent à notre démocratie sa crédibilité et sa vitalité intrinsèque même si, par ailleurs, des assauts irréfléchis tentent, ici ou là, de la saborder. La confiance qu’elle inspire n’est nullement ruinée. Bien entendu les acquis, ne masquent pas les moulins à balivernes qui prospèrent sur les réseaux sociaux.
Les bruits n’étouffent pas la raison surtout en ces temps troubles. En se ressaisissant, les citoyens, de quelque bord qu’ils soient, trouvent moyen d’échanger, donc de dialoguer avec pour souci majeur de sauver le pays. Ils ont conscience que la vigilance s’impose devant les périls et les menaces qui l’assaillent.
Or, l’union sacrée peut être la parade. Elle se décline en plusieurs versions. L’une d’elles s’est traduite par le dialogue politique auquel le président sortant conviait les « forces vives » pour trouver une solution de sortie de crise.
Certains ont répondu favorablement à l’appel présidentiel. D’autres pas. Les arguments des uns et des autres se valent bien que dérivant d’une lecture différenciée d’une même conjoncture politique sévissant au Sénégal et nulle part ailleurs ! Et si ce « dialogue » n’était qu’un repli stratégique ?
Mieux, la conjugaison des volontés aurait un effet dissuasif sur d’autres volontés qui avancent masquées dans le but de fragiliser la démocratie sénégalaise en craquelant son image reluisante sur la scène mondiale.
Les médias étrangers et les officines malveillantes n’avaient d’yeux que pour le Sénégal, perçu comme le dernier réduit démocratique qui allait basculer. Dans quoi ? Ils ne le disent pas. Mais l’interprétation de leurs rêves sur un divan livrerait bien des « secrets enfouis ».
Ainsi avaient-ils débarqué en grand nombre. Vite déçus, certains sont repartis sans déplier bagages. Illusions sitôt nées, déjà perdues ! La maturité atteinte par le peuple, érigée en modèle aux dires d’observateurs sérieux, freine ou décourage les sombres desseins et les arrière-pensées, véritables mobiles d’actes manqués.
Face au danger, le Sénégal s’organise pour prendre son élan visible (et même perceptible) au plan des infrastructures et des plateformes de décollage économique. L’attrait qu’exerce notre pays s’accentue avec l’exploitation imminente de ses ressources d’hydrocarbures et la mise en perspective de son émergence à l’horizon 2035.
Dès lors, gouverner c’est prévoir. Il faut un trésor de moralité pour gérer avec sagesse une ressource aussi convoitée que le pétrole. Cela fait appel à des concertations préalables afin de couper court aux soupçons, aux intrigues, aux colères ou aux révoltes qui se répandent comme un poison dans un corps vivant.
Sous d’autres cieux, il est arrivé que les intérêts contradictoires débouchent sur des affrontements terrifiants. Ce qui donne le sentiment que les passions et les crispations sont les composantes du jeu politique. Nous en sommes loin au Sénégal. Fort heureusement.
Toutefois, ce n’est pas une raison pour baisser la garde. La démocratie d’opinion s’est déjà installée chez nous avec l’essor des moyens de communication de masse : radio, télévision, internet et sondages. Cette forme de démocratie constitue une plateforme permanente des pressions en tous genres.
Certains médias qui s’en délectent prennent le relais pour amplifier ces « fausses délibérations », croyant naïvement faire œuvre utile. En vérité, l’opinion est à courte vue. Elle est pressée et par habitude s’accroche aux raccourcis. En clair, elle privilégie le présent et néglige l’avenir.
D’où la crainte de tomber sous la patte des tyrannies qui distillent la terreur. Dans ces conditions, l’arbitraire gomme les équilibres. Il en résulte un esprit d’accaparement. Lequel provoque des ruptures qui se règlent par des moyens autres que… politiques.
Tous les pays pétroliers d’Afrique ont connu (ou vécu) ce sort peu enviable, il est vrai. Le Tchad, la Centrafrique, la RD Congo, le Congo Brazzaville, l’Angola, le Mozambique, le Nigeria sont des exemples typiques de ce déficit de gestion prévisionnelle. Ils accusent un tel retard consécutif à une violence inouïe que la ressource est perçue comme une malédiction.
Le Sénégal peut-il conjurer ce mauvais sort ? A-t-il les moyens d’inverser la perception négative collée à l’or noir pour en faire plutôt une bénédiction divine ?
Dans bien des domaines, les pouvoirs publics interagissent avec d’autres acteurs pour anticiper sur les facteurs de crispation. L’opinion est régulièrement alimentée en informations, ce qui la dissuade de colporter des rumeurs ou de changer d’humeur au gré des manipulations orchestrées par des forces sombres tapies à l’ombre et réputées « invisibles » ou « occultes ».
Par Mamadou NDIAYE