L’or vaut se pesant… d’or ! Bijoutiers, négociants, êtes-vous là ? Le précieux métal jaune retrouve des couleurs et de la hauteur. Qu’il s’agisse du lingot ou de l’once, les prix grimpent dans toutes les places fortes où se mènent les transactions. Le marché s’ajuste à la hausse entraînant un réalignement du cours tant à l’achat qu’à la vente.
Ce brusque retournement de conjoncture, loin d’être fortuit, laisse pantois les acteurs dont les prévisions étaient indexées sur les foyers de crise : Ukraine-Russie, Israël-Hamas, l’Est de la RDC, et les crispations résiduelles provenant de la situation post Covid-19.
Depuis 2000, la valeur du lingot a oscillé, partant du prix plancher 9 200 euros le kilogramme pour atteindre plus de 60 140 euros en 2022. La valeur d’origine croît six fois plus. Au grand bonheur des acheteurs qui, dans les dates de référence prises en considération, ont enregistré 560 % de croissance de leur investissement.
Qui oserait dire : « pas une once de bons sens » ? Pas les orfèvres-joailliers en tous cas. Eux connaissent l’or au toucher et à l’observation. Ils maîtrisent parfaitement les différences de pureté.
De Soumbédioune à Tilène en passant par le Plateau (Lallou Wourouss) ou les circuits informels des reliquaires, le caratage de l’or fait l’objet d’une attention soutenue. Plus sûrs d’eux-mêmes que jamais, ils sont respectés et écoutés. Mieux, leurs avis comptent et déterminent les humeurs du commerce de l’or dans notre pays.
Connus et reconnus pour leur travail de haute qualité, les artisans sénégalais influent beaucoup sur les intentions et les décisions d’achat. Ils ajoutent même à leur savoir-faire une rare technicité de conservation des biens, incitant surtout la gent féminine à en détenir en stocks pour divers besoins prioritaires, sociaux, professionnels, familiaux, scolaires, ou d’urgence impromptue.
Parfois même ils s’érigent en spécialistes de « pureté de titrage » auxquels s’adressent les clients assidus ou occasionnels en quête d’opportunités de placement. Leurs conseils sont très prisés sous les chaumières. En d’autres termes, la culture de l’or reste bien ancrée dans notre société qui l’entoure d’une grande discrétion. Qui détient l’or au Sénégal ?
Pour sûr, l’or n’aime pas le bruit. Pas plus que le bruit ne s’accommode du noble métal le plus convoité au monde. Et pourtant que de vacarme charrie le métal vanté partout pour son charme et sa volupté, le prestige qu’il procure, le respect qu’il inspire et l’admiration qu’il suscite.
Il offre à son détenteur un « certificat d‘honorabilité » lui permettant de jouir de sa réputation si l’acquisition ne souffre d’aucun soupçon. Qu’en est-il alors d’un pays qui détiendrait dans son sous-sol des tonnages conséquents ?
Le Sénégal possède de l’or dans sa sphère orientale où les chercheurs foisonnent de même que des sociétés aurifères. Ce fourmillement d’activités, combinant exploitation industrielle et artisanale (souvent clandestine) dans un désordre qui en dit long sur l’absence de rationalité, témoigne de l’urgence de remettre à l’endroit l’extraction et surtout d’assainir un secteur presque sinistré.
Dès lors, le besoin se fait sentir d’organiser les exploitations en songeant à une préservation de l’écosystème fragile et vulnérable en raison du flux migratoire ininterrompu. L’or attire. Et comment !
Au fond, les grandes firmes nord-américaines rivalisent d’ingéniosité pour brasser plus de superficies à prospecter et à exploiter. Les gisements sont réels. D’où l’entrée du Sénégal dans le premier cercle des pays africains producteurs d’or.
En 2021, la production s’est hissée à 16,2 tonnes, soit une hausse de 24 %, selon des estimations tirées du rapport annuel de l’ITIE, Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives.
L’Algérie, l’Afrique du Sud, la Libye, l’Egypte et le Maroc occupent le peloton de tête en Afrique dans ce classement. Ce qui confère au continent une position stratégique dans les réserves d’or mondiales que se disputent les Banques centrales.
Les plus en vue sont celles des Etats-Unis, de l’Allemagne, de l’Italie et, dans une moindre mesure de la France qui garde pour le compte des pays africains de l’ouest une bonne partie de leurs réserves. Rien ne justifie une telle pratique surannée. Mais elle persiste sans que personne ne soulève cet anachronisme.
Tout le monde a, en souvenir, la décision prise en 2013 par l’Allemagne de rapatrier de l’Hexagone ses propres réserves contenues dans des coffres forts. Ironie de l’histoire, en 1941, quand la seconde guerre mondiale a éclaté, la France avait songé en premier à sécuriser ses réserves d’or en les convoyant vers Dakar, lieu sûr s’il en était.
Près de mille tonnes mise hors de portée de la puissance de l’envahisseur. Ces mêmes réserves, au lendemain de la Libération, ont servi à relancer l’économie française rudoyée par l’armée allemande. Elle ne dut son salut d’ailleurs qu’avec l’apport inestimable de l’Afrique, de sa richesse et de ses hommes sous le drapeau tricolore dont la vaillance a eu raison de la Wehrmacht malgré sa supériorité militaire.
Si son rang mondial n’est pas usurpé, la France sait tout au moins que l’or a de la valeur. Voilà pourquoi elle en accumule et se montre peu disposée à en céder comme le feraient la Banque centrale d’Angleterre ou la Fed aux Etats-Unis assez flexibles en cas de nécessité impérative pour juguler les inflations.
En dépit de cela, Londres conserve sa position de lieu « indétrônable » de l’or. Son modèle n’est sûrement reproductible sous nos cieux. Nous pourrions quand même nous en inspirer pour réhabiliter l’or chez nous et nous montrer stratèges dans le pilotage de nos économies.
L’or est à la fois relique et première monnaie. Bref rappel : en 1971, Nixon brise la convertibilité du dollar en or et change la donne du système monétaire international sans assortir la mesure d’un nouveau mécanisme de stabilité des taux de change.
Qu’à cela ne tienne, rare ou abondant, le métal jaune est toujours précieux. Par ces périodes de grande inflation à travers le monde, les investisseurs l’achètent pour se prémunir contre les fléaux, les pandémies tel que le Covid-19 et surtout en faisant face au nouveau désordre.
Même en perdant de sa valeur c’est pour la retrouver aussitôt. Beaucoup d’experts le recommandent comme levier de protection contre les désordres géopolitiques. Les achats massifs des Banques centrales le prouvent amplement.
Autrement dit, les réserves progressent et se reconstituent. La Russie achète de plus en plus d’or malgré la guerre contre l’Ukraine qui l’épuise. En dépit des tensions en Asie du sud-est et du Pacifique sud, la Chine achète de l’or pour se protéger de Taïwan que soutiennent les Etats-Unis.
En clair, Chinois et Russes procèdent à des achats massifs d’or. Est-ce à dire que l’économie se découvre plus forte que le jeu politique ? De nombreux experts affirment « sans gants » qu’il y a « peu de chance que les cours de l’or descendent. »
Macky Sall est prévenu : entre l’or et le pétrole, le débat n’est pas tranché pour vu qu’il ne se… fossilise.
Par Mamadou NDIAYE
Par Mamadou NDIAYE
Macky Sall est prévenu : entre l’or et le pétrole, le débat n’est pas tranché pour vu qu’il ne se… fossilise.