
Installé en Espagne, l’artiste reggae Fafady signe un retour très attendu sur la scène musicale sénégalaise. À l’initiative d’un grand concert à Ziguinchor aux côtés de Tiken Jah Fakoly, il se confie sur ses projets, son engagement pour la paix en Casamance, et son regard sur l’évolution de la culture au Sénégal.
Parole à un artiste engagé.
Vous êtes discret depuis un moment, et vos fans s’impatientent. Où en est Fafady aujourd’hui ?
Je tiens d’abord à m’excuser auprès de mes fans. Avec mon staff, nous avions sérieusement envisagé un grand retour, notamment à travers un concert au stade Aline Sitoé Diatta. Malheureusement, on s’est rendu compte que le stade ne répondait pas aux conditions pour accueillir un tel événement. C’était pourtant notre intention initiale.
Puis, nous avons appris que notre frère Tiken Jah Fakoly souhaitait organiser un concert gratuit en Casamance, plus précisément à Ziguinchor. Ce projet a été bien accueilli par les autorités, et c’est dans ce cadre que le directeur général de la culture, Abdou Simbandi Diatta, m’a contacté. Il m’a proposé de revenir pour accueillir Tiken Jah, en tant qu’artiste reggae engagé et figure locale. J’ai trouvé l’idée magnifique. Nous avons donc décidé de suspendre nos dates pour nous consacrer à cet événement et éviter tout fiasco.
Ce concert n’est pas seulement un spectacle : c’est une manifestation pour la paix en Casamance. Il est important que la jeunesse de Ziguinchor comprenne que ce concert est le leur.
Une date est-elle déjà fixée ?
Oui. Nous avons rencontré le gouverneur de Ziguinchor ainsi que d’autres autorités régionales. Ensemble, nous avons retenu les 11 et 12 juillet. Il n’y avait pas beaucoup d’alternatives car l’été est une période de tournées pour de nombreux artistes, moi y compris. Juin était trop court en termes de préparation, alors nous avons choisi juillet, un mois symbolique et stratégique.
Quel regard portez-vous sur l’évolution du hip hop et de la culture sénégalaise en général ?
Je pense que l’art et la culture au Sénégal sont actuellement à l’arrêt. Ce n’est la faute de personne, mais plutôt une conséquence du changement de régime. Le nouveau gouvernement cherche à régulariser, ce qui est compréhensible vu les nombreuses difficultés que le secteur a traversées. En tant qu’acteurs culturels, nous devons aussi accompagner ce processus.
Le hip hop, en particulier, était sur une bonne dynamique. Aujourd’hui, tout est bloqué. Beaucoup de jeunes artistes se tournent vers l’extérieur, notamment la Gambie, pour jouer. Dans les régions, il y a encore un attachement fort au hip hop, mais à Dakar, c’est une forme de stand-by.
Qu’en est-il des jeunes talents en Casamance ?
Ils sont nombreux et très courageux. Ce qui leur manque, c’est une vraie structuration. Il faut guider ces jeunes pour qu’ils deviennent des entrepreneurs culturels, capables de préserver et de faire rayonner la culture casamançaise. Il y a un vrai besoin de salles adaptées – un Grand Théâtre à Ziguinchor, par exemple – et de chaînes de diffusion dédiées à la culture musicale. Le financement de projets est aussi un gros défi.
Peut-on mieux valoriser la Casamance à travers le lien entre culture et tourisme ?
Absolument. Partout dans le monde, tourisme et culture sont liés. Un touriste ne vient pas seulement pour les plages, il vient aussi pour découvrir l’âme d’un territoire, son patrimoine, sa musique, sa danse, son artisanat. Si la culture est négligée, les touristes ne viennent pas. Il faut donc protéger et promouvoir nos richesses culturelles pour rendre la Casamance encore plus attractive.
Vous êtes connu pour votre engagement en faveur de la paix en Casamance. Où en est le processus aujourd’hui ?
Nous avons rencontré les femmes du Bois Sacré, et elles nous ont confirmé que le front sud a déposé les armes. Il reste encore le front nord dirigé par Salif Sadio, mais des avancées importantes sont notées. En tant qu’enfant de cette région, je suis très ému par cette évolution.
Cela fait plus de quarante ans que ce conflit dure. Et les véritables perdants, c’est nous. Les autres régions avancent. La paix doit d’abord concerner ceux qui sont nés ici. Sans elle, aucun développement n’est possible. C’est pour cela que ce concert à Ziguinchor est plus qu’un événement musical : c’est un acte de foi, un message d’unité, un appel à tourner la page.




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