« Historique ». Le président de la COP 28, Sultan Al Jaber, a utilisé le qualificatif pour annoncer l’accord final de la messe écologique. Au bout de la nuit, après d’intenses négociations et tractations, les pays ont accepté une transition « hors des énergies fossiles ». Mais derrière le mot, cet appel, se cache une réalité : le texte qui clôt la rencontre internationale ne parle pas de « sortie ». Un dossier polémique qui a pollué les négociations et qui est loin d’être tranché.
« Le début de la fin de l’ère des combustibles fossiles ». Ce titre du communiqué de presse marquant la clôture de la COP 28 prouve à suffisance que le dossier « énergies fossiles » était l’attraction du rendez-vous de Dubaï. D’une vingtaine de pages, les conclusions de la conférence parle d’une « solidarité internationale de près de 200 parties visant à intensifier l’action climatique ». Objectif : maintenir la température mondiale à 1.5 prévu par l’accord de Paris avant la fin de la décennie. « Un objectif primordial et à portée de main », reste convaincu Simon Stiell. Mais le Secrétaire Exécutif de l’ONU sur les changements climatiques prévient : « les pays doivent élaborer des plans nationaux solides d’ici 2025 pour réduire de 43 % les émissions mondiales de gaz à effets de serre à l’horizon 2030 ». Sur le principe, les différents groupes parlent le même langage.
En revanche, sur les énergies fossiles, la question centrale est de savoir quelle voie suivre : réduire ou sortir des énergies fossiles ? Ils se sont déchirés autour de cette question à Dubaï. Pour s’en sortir et échapper à la prolongation, la présidence Émiratie a trouvé un consensus dit « Historique ». Il s’agit d’un appel pour « une transition hors des énergies fossiles » approuvé par les pays. Un appel sans précédent lors d’une COP, mais qui peine à cacher une réalité bien visible dans le texte final : le mot « sortie » (des énergies fossiles) n’y figure pas. Et pourtant, durant toute la phase de négociations, des pays voire des personnalités sont montés au front pour poser sur la table une sortie des énergies fossiles. « Le mot figurait même sur un texte proposé avant de disparaître », nous renseigne un membre de la délégation officielle sénégalaise. La raison : le groupe des pays les moins avancés, à sa tête le Sénégal, renforcé notamment par l’Arabie Saoudite, a pesé sur la balance des décisions. Ils se sont braqués en posant sur la table de la COP 28 deux conditions, particulièrement. Ils ont demandé aux « pays historiquement responsables du réchauffement climatique » de sortir des énergies fossiles dans un délai plus proche et permettre aux autres de leur emboîter le pas dans un « un horizon plus lointain ».
Des conditions sine qua non pour une transition énergétique juste, coordonnée et équitable. Une option confirmée par le texte final de la COP et au grand bonheur de certains pays futurs exportateurs de pétrole ou de gaz comme le Sénégal. En réagissant sur ce bras fer, Simon Stiell Secrétaire Exécutif de ONU climat à insister deux notes positives : l’engagement pris par certains pays de tripler la part mondiale des énergies renouvelables d’ici 2030 et le feu vert du fonds pertes et dommages.
Fonds pertes et dommages : déjà 700 millions de dollars d’engagements
La question avait mis sur les bons rails la COP 28, avant d’être crispée par le charbon, le pétrole et le gaz. Une satisfaction, souligne la présidence Émiratie de la vingt-huitième Conférence des Parties sur climat. A ce jour, 700 millions de dollars d’engagements ont été pris, renseigne le communiqué final sur les 100 milliards. D’autres investissements en faveur des pays qui subissent de plein fouet les effets des changements climatiques seront boostés, assure le Secrétaire Exécutif de l’ONU sur les changements climatiques.
C’est le cas du Fonds vert pour le climat (FVC) qui devrait atteindre la barre des 12, 8 millions de dollars grâce à l’engagement de six nouveaux pays parmi les 31 au total. Ce n’est pas tout. Le Fonds pour les pays les moins avancés et celui spécial pour le changement climatique sont estimés à l’issue de la COP à plus de 174 millions de dollars. Au même moment, de nouvelles promesses, près de 188 millions de dollars, ont été faites par des pays en faveur du fonds d’adaptation lors de la grande messe écologique. Des promesses de financements en présence de plus 85 mille participants dans la ville de Dubaï : 154 chefs d’Etat et de gouvernements, des acteurs de la société civile, du monde des affaires, des lobbyistes des énergies fossiles…
Une participation record et une note discordante sur les énergies fossiles qui annoncent la couleur des prochaines COP : celle du 11 au 22 novembre 2024 à l’Azerbaïdjan et celle prévue au Brésil du 10 au 21 novembre 2025.
Pape Ibrahima NDIAYE (Envoyé spécial)