Les populations s’indignent de la méthode frauduleuse qu’utilisent les commerçants pour diminuer le poids du sac de riz, du sucre et de l’huile. Des détaillants et grossistes le reconnaissent. L’Etat est interpellé. Reportage dans les boutiques, marchés de la ville et rues de la capitale.
«Les sacs de riz ou de sucre ne font pas 50 Kg, cela ne date pas d’aujourd’hui»
Alpha Diallo, silhouette gracile, le visage émacié, inspecte la rue, guettant le prochain client. Le jeune commerçant du quartier Liberté 5 de Keur Massar, porte un polo en «phase terminale», le col débordant latéralement. Diallo, pour les proches, est debout sur son jean bleu sombre, lunettes de correction, accoudé sur le comptoir de sa boutique. Dans la foulée, une dame accompagnée de sa petite fille et portant aussi un bébé sur le dos, demande au boutiquier de lui vendre trois kilos de riz, trois baguettes de pain et un sachet de sucre. «Alpha, je suis pressée. Toi tu n’es jamais pressé. Mon mari te dois combien ?», demande-t-elle. Le boutiquier prend la balle au bond : «Tu fais semblant ou bien ? Un client n’oublie jamais sa dette. Ton mari me doit 75 000 Cfa et cela fait un mois que je ne le vois plus». Cette remarque matinale du boutiquier n’est pas du goût de la jeune maman. «Mon mari n’est pas ton égal. Toi tu es comme ça. Mais bientôt tu vas retourner en Guinée», s’étrangle-t-elle de colère. Le boutiquier du quartier se défoule sur la dame : «Moi je suis Sénégalais comme toi. Un mois de dettes c’est trop. Plus de dettes désormais. N’importe quoi!». Après cette tempête, Diallo est interpellé sur le poids net du sac de sucre. «Vous savez, les sacs de riz ou de sucre ne font pas 50 Kg et cela depuis la nuit des temps. J’ai un sac de sucre qui pèse moins de 50 Kg. Les grossistes sont au courant que cette situation ne date pas d’aujourd’hui. Le sac de sucre me revient à 39 000 CFA», se désole-t-il.
Un grossiste : «Ils ont des machines à coudre des sacs… ils enlèvent 3 à 5 kilos»
Au marché au poisson de Keur Massar, le grossiste Moussa Fall s’offusque de l’attitude de certains revendeurs qui utilisent des méthodes «frauduleuses» pour diminuer le poids du sac de riz. «Ce n’est plus un secret parce que nous savons tous la méthode que les commerçants utilisent. Ils ont des machines à coudre cachées dans leur magasin. Dans chaque sac de 50 kg, ils enlèvent 3 à 5 kilos. Tout le monde le sait», confesse le commerçant à la barbe touffue, assis sur son grand boubou. Juste à côté de chez Moussa Fall se trouve son voisin, Issa Diop, un autre grossiste. Des bidons d’huile sont exposés juste à l’entrée. «Même l’huile de palme n’échappe pas à la règle. Mon frère, les poids affichés sur le ticket d’emballage ne veulent rien dire. Cela fait plus 20 ans que je suis dans le secteur. Je vous parle en connaissance de cause», corrobore-t-il.
«Nos autorités sont impuissantes, elles doivent mettre fin à ces méthodes»
Les riverains de la capitale s’indignent de cette situation et demandent aux autorités d’agir. Trouvée sur le trottoir en face de Auchan de Keur Massar, Fatou Diop s’offusque de la passivité des autorités. «Elles ont les informations mais, il faut le dire, nos autorités sont impuissantes devant cette situation. Le mal est profond», s’étrangle-t-elle de colère. Une autre dame, dans sa combinaison rose, abonde dans le même sens : «Il faut que les autorités agissent pour protéger les citoyens contre ce fléau. J’ai acheté un sac de 50 kg de riz et en moins de trois semaines, il est vide. Ce n’est pas possible, moi mon mari et notre fils, nous ne pouvons pas consommer 50 kg de riz en trois semaines».
Maxime DIASSY