La Cour des Comptes du Sénégal a publié un rapport alarmant sur la gestion de la dette publique, révélant des irrégularités financières majeures. Parmi elles, des emprunts obligataires non versés au Trésor, des financements extérieurs non comptabilisés et des transferts de fonds douteux. Le taux d’endettement atteindrait 99,67 % du PIB, bien au-delà des chiffres officiels annoncés, et le déficit budgétaire grimperait à 12,67 %, contre les 4,9 % prévus. Ces révélations posent la question de la transparence budgétaire et de la responsabilité des autorités dans la gestion des ressources publiques.
Selon l’économiste Magaye Gaye, l’organisation budgétaire déficiente est un facteur aggravant. Le rapport souligne l’absence de rattachement des recettes d’un exercice à l’autre, la sous-estimation des créances à recouvrer et le manque de clarté sur les exonérations fiscales. Pour y remédier, il est essentiel de renforcer la transparence en réduisant la centralisation du pouvoir présidentiel sur les finances et en impliquant des institutions indépendantes dans l’audit des comptes publics.
Par ailleurs, la responsabilité des partenaires financiers internationaux est en cause. Un audit révèle que 7,5 % des crédits octroyés par la Banque mondiale seraient détournés vers des paradis fiscaux. L’affaire Alex Segura, ex-représentant du FMI à Dakar parti avec une mallette d’argent, illustre ces dérives. De plus, les financements extérieurs ne sont pas toujours retracés dans le budget national, soulevant des interrogations sur leur suivi et leur gestion.
Les banques commerciales locales, qui accordent des prêts sans validation parlementaire, doivent également être mises face à leurs responsabilités. Le manque de contrôle met en péril la viabilité financière du pays. Dans ce contexte, la Cour des Comptes et l’Inspection Générale d’État doivent renforcer leurs missions pour éviter la répétition de telles irrégularités.
Magaye Gaye plaide pour une refonte de la gestion économique et budgétaire du Sénégal. Il prône une réduction de la masse salariale et des dépenses de fonctionnement, ainsi qu’une restructuration de la dette au sein de l’UEMOA. Contrairement aux affirmations du ministre de l’Économie, il estime que la dette actuelle est insoutenable sans intervention majeure.
Cette situation remet en question la légitimité de certaines dettes. Le concept de « dette odieuse » postule qu’un emprunt contracté sans l’aval du peuple et utilisé à des fins contraires à l’intérêt général ne devrait pas être remboursé. Des précédents existent, comme Cuba en 1898 ou le Mexique en 1920. Bien que non reconnue en droit international, cette doctrine soulève le débat sur la responsabilité des gouvernements et des créanciers.
Enfin, un autre débat anime l’opinion publique : la Cour des Comptes peut-elle revenir sur ses certifications ? Si elle engage son expertise et sa crédibilité, elle peut toutefois réviser ses conclusions en cas d’erreurs, d’évolution des normes comptables ou de découverte de fraudes.
Selon Magaye Gaye, ce rapport met en évidence une gestion financière préoccupante. Sans réformes structurelles profondes, le Sénégal risque de s’enfoncer dans une spirale d’endettement compromettant son développement économique et social.
Emedia