«Il faut réformer la responsabilité des ordonnateurs. Aujourd’hui, tous les ministres sont des ordonnateurs du crédit. Il faut permettre à la Cour des comptes du Sénégal de pouvoir juger directement les ministres comme cela se fait dans d’autres démocraties. Il faut réformer la déclaration de patrimoine. Aujourd’hui, si vous ne déclarez pas votre patrimoine, les sanctions prévues sont relativement faibles par rapport à d’autres pays, comme le Bénin, le Cameroun, etc.». Telles sont les déclarations du directeur du Centre d’études et de recherches en ingénierie juridique et financière (Cerif), Pr Abdoul Aziz Daba Kébé, lors de la présentation du «Recueil des textes de base régissant les finances publiques au Sénégal».
Il s’agit d’une somme de textes de droit internes et externes de 865 pages visant à vulgariser les finances publiques. Au cours de la présentation du l’ouvrage, Pr Kébé a noté que l’Etat du Sénégal depuis 2012, fait de «bonnes réformes» de gouvernance, en créant l’Ofnac, en renforçant les moyens de la Cour des comptes, en adhérant à l’Itie, etc. «En revanche, il y a des insuffisances. Il faut continuer la réforme sur la Cour des comptes, il faut encore lui conférer plus de pouvoirs, avec la création d’un parquet financier. Aujourd’hui, si vous ne déclarez pas votre patrimoine, les sanctions prévues sont relativement faibles par rapport à d’autres pays. Il faut parachever la réforme sur la déclaration de patrimoine en durcissant les sanctions. Au Bénin, ce sont des sanctions pénales ; au Cameroun, si vous ne déclarez pas, vous êtes inéligible», a souligné le directeur du Cerif.
Au Sénégal, l’article 79 de la loi organique constitue un obstacle pour la Cour des comptes car ne lui donnant aucun pouvoir de juger les délinquants financiers, à l’image des personnes épinglées dans le Fonds Covid. Cet article stipule que «Si l’instruction ou la délibération sur l’affaire laisse apparaître des faits susceptibles de constituer un délit ou un crime, le premier président de la Cour saisit, par référé, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et en informe le ministre chargé des Finances».
«3 rapports publics de la Cour des comptes prêts à être publiés»
Pour le Secrétaire général de la Cour des comptes, Alioune Niane, la Cour des comptes est à la croisée des chemins et d’importantes réformes ont été faites dans le cadre de son fonctionnement, notamment la loi organique et le statut des magistrats de la Cour. «Il faudra continuer sur cette lancée. Par exemple, sur les procédures de la cour, il est évident que nous devrons intégrer inévitablement les réponses à la problématique du statut du débet. Il faudrait que nos lois organiques règlent la question de la responsabilité des ordonnateurs. Nous avons d’importantes réformes qui, en réalité, sont aujourd’hui dans nos pipelines. C’est par exemple la responsabilité de certaines autorités au niveau de la discipline financière, mais aussi le statut de l’amende», a assuré M. Niane.
En ce qui concerne la publication des rapports publics annuels, le Secrétaire général reconnaît des retards mais qui ne se justifient pas. «Nous avons aujourd’hui 3 rapports publics qui sont prêts à être publiés. Nous avons décidé d’intégrer pour le rapport public 2021 -2022 dans un seul rapport afin qu’il n’y ait pas de stock de rapports non publiés. La Cour a pris l’engagement à partir de maintenant de publier régulièrement, aussi bien son rapport public annuel que le rapport particulier sur son site et dans les journaux de grande diffusion», souligne Alioune Niane, qui ajoute que le rapport Covid a été publié sur la base de l’indépendance de la Cour des comptes.