L’oignon coûte très cher au Sénégal ces derniers jours. Est-ce que vous êtes préoccupé par la situation pour ne pas dire choqué ?
Tout à fait. D’ailleurs, je devrais commencer par marquer ma solidarité avec les consommateurs sénégalais dont nous tous nous faisons partie en décriant fortement la pratique en cours. C’est un paradoxe que nous vivons parce qu’au moment où je vous parle, et ceci depuis fin 2015, nous produisons entre 20 et 30% de plus des besoins du Sénégal en oignon. Et je suis formel : l’objectif du Programme d’atténuation de la cadence sénégalaise (Pracs) entre 2014 et 2018, c’était de produire 350 milles tonnes en 2016. Mais déjà, en fin 2015, nous avons produit 367 500 tonnes, c’est-à-dire 17 500 de plus. Et on n’a pas arrêté, on est autour de moins de 400 tonnes par an sur les 5 dernières années, des besoins qui tournent autour 360 à 380 mille tonnes. Mais qu’est-ce qui peut expliquer que des prix flambent à ce niveau ?
1 200 F le kilo quelque part, ailleurs 1000 FCFA et même 1 300…
Rien ne le justifie. Et je commencerais par ce prix parce qu’il y a effectivement d’autres problèmes qu’il conviendra de résoudre et qui sont directement ou indirectement liés à cela. Pour moi, c’est quand même de la spéculation et ça devrait s’arrêter.
Vous mettez en cause les commerçants ?
Oui. Et presqu’au début et à la fin. Parce que, le producteur vous ne verrez pas parmi eux ces grossistes qui achètent l’oignon bord champ à plus de 300 FCFA ou maximum 350, c’est rare, c’est entre 200 FCFA, 250, 275 et maximum 300. Et justement, vous vous rappelez qu’à l’issue des concertations contre la vie chère, on n’avait convenu, techniciens, producteurs, consommateurs, commerçants, que le prix local planché pour l’oignon et la pomme de terre ne devrait pas descendre en deçà de 300 FCFA le kilo et ne devrait pas aller au-dessus de 500 FCFA, ça c’est pour l’oignon local. L’oignon importé, c’est 400 FCFA prix planché et 600 F prix plafond. Ça a été homologué dans un arrêté. Mais qu’est-ce qui peut expliquer et justement cette fourchette de prix ? Quels sont les intérêts des uns et des autres ?
Est-ce que l’Etat a fait ce qu’il devait faire parce que vous vous posez des questions ?
A ce niveau, je dois dire que au moins que l’Etat devrait en faire davantage. Parce que si on s’accorde sur quelque chose, soit vous l’appliquez, soit si vous dérogez à cette règle, on vous sanctionne. Et en son temps, il était question de recruter, je pense, un millier de jeunes qui pourraient être dans le contrôle pour qu’on puisse réprimer. Parce que, c’est trop facile, on est en train d’annihiler tous les efforts que l’Etat fait et à coup de milliards.
Mais si la production est suffisante comme vous le dites, pourquoi on n’est pas organisés au point que tout cela soit dépassé. Est-ce qu’il n’y a pas un problème de magasins de stockage ?
Justement, j’allais en venir. Mais j’ai commencé par la situation conjoncturelle que nous vivons aujourd’hui. C’est lié quand même à cette spéculation, mais aussi un peu au fait qu’avec le Maroc d’où nous venaient dans des délais plus courts les importations. Puisque le Maroc qui connait un phénomène de sècheresse a même réduit certaines emblavures pour des cultures qui sont très consommatrices en eau comme la tomate, la pastèque, etc. Donc, ils ont interdit les exportations d’oignons, c’est vrai que c’est à partir d’octobre, tous les ans, qu’on commençait à importer l’oignon. Mais vous avez vu qu’on a anticipé de deux mois. Cette explication-là, c’est la spéculation, et le fait que cette année quand même, il y a eu un peu d’exportations de l’oignon. Parce que, certains producteurs craignaient les phénomènes de l’année lunaire. C’est-à-dire les pertes post-récolte. Donc, voilà les explications qui font qu’aujourd’hui que l’Arm, en tout cas le ministre du Commerce, a prévu d’aller au Maroc pour négocier pour que les stocks puissent venir. Malgré les 2400 tonnes disponibles et les 10 000 tonnes attendues dans la semaine pour des besoins de 30 000 tonnes par mois. L’autre problème qu’il faut régler, c’est le déficit d’infrastructures de stockage. S’il y en avait suffisamment, on n’en serait pas là.
Pourtant, on a vu des producteurs en train d’enterrer de l’oignon même pourri ?
Ça je peux vous dire que c’était juste un coup de communication. Parce qu’on a vu en Hollande des gens accrochés des sacs des oignons pour la mévendre dans les rues. Maintenant, les efforts sont faits actuellement par l’Etat, mais ne sont pas encore effectifs. Car il faut prendre du temps pour construire les infrastructures, les tester, ensuite y conserver de l’oignon. C’est vrai que ça ne va pas plus vite que la production mais des efforts sont encore en cours, y compris avec le programme de 95 milliards, récemment reçus par le ministre Aly Ngouille Ndiaye. Mais l’autre problème c’est que tout le monde produit en même temps. Or, il faut échelonner la production et là on a beaucoup de difficultés. J’avoue qu’il n’y a pas beaucoup de variétés qui permettent de produire de l’oignon pendant différentes saisons de l’année, ça c’est vrai et la recherche est interpelée. L’oignon commence d’octobre à décembre. Mais tout le monde plante entre octobre et novembre. Donc, entre fin janvier et début mars, ou début avril, on a 80% au moins de la production nationale qui arrivent sur le marché pour des besoins mensuels de 30 000 tonnes. Comment on va faire avec ça ?