Au-delà des détails croustillants sur la relation PR-PM et dont notre presse est très friande, la partie qui m’a le plus intéressé dans l’interview du PR est la vision d’un État interventionniste, ou pour être plus prudent, qui étend son champ d’action par rapport aux acteurs du marché. Ceci constitue l’élément que je ne percevais pas jusqu’à présent et qui était une suite logique dans l’articulation nécessaire entre le Projet et la forme de gouvernance à laquelle il donne lieu.
Si le PR l’a circonscrit hier (samedi, ndlr), dans le cadre de la stratégie de la maîtrise du coût de la vie, avec notamment une centralisation des achats pour maîtriser les coûts d’importation ou pour réaliser des économies d’échelle, il faudra l’étendre dans d’autres domaines notamment dans l’industrialisation et la substitution des importations agricoles. Presque tous les pays émergents d’Asie et les derniers exemples d’émergence en Afrique ont mis en avant des politiques interventionnistes de l’État pour orienter les acteurs ou pour favoriser l’allocation des ressources vers certains secteurs choisis et stratégiquement identifiés. Les interventions permettent aussi de protéger et de développer des secteurs naissants en attendant leur maturation pour s’ouvrir au privé (ex Maroc) ou à l’international. Reste maintenant à savoir comment faire valoir cette approche interventionniste face aux institutions de Breton Woods qui y sont assez réticentes pour ne pas dire rétives.
Comment se libérer de cette camisole de force dorée, pour parler comme Thomas Friedman, pour aller chercher « ces marges de manœuvre » dont parlait de façon si lumineuse Cherif Salif SY qui fondent, légitiment et opérationnalisent les interventions étatiques?
Dans le cas asiatique la mobilisation des ressources internes à travers une forte épargne soit facilitée par une culture confucéenne (Chine) ou par un pouvoir politique fort pour ne pas dire autoritaire (Singapore, Corée) ont été de mise. Il s’y ajoute une gestion parcimonieuse des ressources publiques par une gouvernance vertueuse.
Si je n’ai pas de crainte pour la dernière, tellement les nouvelles autorités par leur discours et (aussi leur parcours) nous fondent à croire en leur capacité d’une gouvernance vertueuse, pour la première, le pari est loin d’être gagné.
Alioune NDIAYE, universitaire