« Réamortir la dette, revoir les dépenses de fonctionnement et les mettre là où les Sénégalais en ont vraiment besoin ». Moussa Balla Fofana énumère les leviers sur lesquels le prochain régime à l’issue de l’élection présidentielle du 25 février 2024 devra s’appesantir. L’expert en Planification et Gestion des Programmes et Projets est l’invité du Jdd, ce dimanche 19 novembre, sur iRadio, Itv, emedia.sn et Bes bi le Jour.
Il explique : « À la tête de ce pays, on a dépensé 50 000 milliards de francs Cfa pour finir par creuser encore le déficit de la balance commerciale. Quand Macky Sall arrivait au pouvoir, notre balance commerciale était à moins 1700 milliards, aujourd’hui on est à moins 2400 milliards. Le Sénégal a dépensé près de 747 milliards de plus. Et cela après avoir pris de l’impôt, et s’être endetté autour d’un budget global de 50 000 milliards. »
Le co-auteur de l’ouvrage « Les Territoires du Développement », insiste : « Il va falloir qu’on travaille sur comment amortir la dette. C’est fondamental. Nous n’avons pas le choix. La dette de notre pays est très élevée. Notre endettement est à plus de 75%. » Il souligne « qu’il nous faut (aussi) un État entrepreneur, qui a conscience de son rôle d’être auprès des entreprises qui sont dans des secteurs stratégiques et souverains. Un État, qui ne va plus dire »je suis là pour administrer’, je m’endette, je prends des impôts ». Non. C’est un État actionnaire comme l’État français. Beaucoup de gens ne le savent pas mais, le portefeuille que l’État français a injecté dans les entreprises françaises, par le biais des agences des participations, (avec) 71 milliards d’euros d’actifs injectés dans l’économie française pour appuyer des entreprises qu’on considère comme étant souveraines et stratégiques. »
Ainsi, le prochain régime devra déployer une stratégie focussée sur la gestion de la dette. On va travailler sur comment retravailler les niveaux d’intérêt », préconise-t-il. Ce, d’autant plus justifie le membre de l’ex-parti Pastef : « Parce qu’ils (régime en place) ont fait tout et n’importe quoi. »
Il relève une lueur d’espoir, expliquant que le prochain régime aura « l’avantage » de profiter de l’exploitation du pétrole et du gaz, dont les retombées vont contribuer à « baisser » le « niveau d’endettement. » « Cela va nous permettre d’avoir une nouvelle dynamique, et l’erreur fondamentale que nous ne devons pas commettre, c’est de penser qu’avec les revenus du pétrole que nous allons tout régler. Non. D’après les prévisions, l’impact budgétaire sera de 600 voire de 700 milliards. En tant que financier, je ne dis pas que c’est une mauvaise chose. Parce que si nous comptabilisons l’impact sur notre Pib, ça va faire baisser notre taux d’endettement. D’un point de vue budgétaire, ça va augmenter les revenus de l’État qui vont passer à 600 milliards. C’est des liquidités. Pour le prochain régime à venir, si c’est un régime planificateur, qui a le sens des finances, c’est une opportunité de partir sur des bases qui sont un peu meilleures », détaille-t-il.
« Éducation, santé, … »
Pour une meilleure efficience, défend-il : « Je suis de ceux qui pensent qu’il faut investir dans le social parce que c’est quand les gens sont bien éduqués, bien formés, et qu’ils sont bien équipés quand ils sont en train de se développer, c’est après cela qu’ils seront capables de libérer leurs énergies et de créer de la richesse. »
Il donne une exemple : « Aujourd’hui, l’État du Sénégal met 150 milliards pour acheter de la farine de blé. Pendant ce temps, nos jeunes sont en train de parcourir les rues pour vendre des produits importés. Est-ce qu’on ne va pas se focaliser sur comment produire du blé vu que nous consommons la farine de blé chaque année ? Voilà une question simple. Nous avons de l’or. Comment on va travailler sur des joint-ventures avec l’agence des participations de l’État sénégalais. (…) Au lieu de faire comme Amadou Bâ, qui fait des emprunts obligataires, et ensuite on se demande où est parti l’argent. On fait des emprunts mais, c’est pour acheter des équipements modernes pour exploiter notre or, et on dit à une entreprise qui a l’expertise que nous n’avons pas, »venez on vous donne 34%, nous on prend les 66% restants. Nous créons une entreprise, nous raffinons notre or, nous vendons un quota à nos bijoutiers pour faire du Sénégal un hub, et le reste on le vend aux multinationales à l’étranger ».
Dié BA et Abdoulaye SYLLA (Photo)