La politique n’est pas le développement. C’est le développement qui est la politique ! Et tout commence par la culture et se fige sans la culture ! Elle est la volonté de vivre et non de mourir !
Personne ne nous fera croire que la France n’est pas belle ou jadis belle ! C’est son esprit des Lumières qui nous le fait dire ! Ceux qui louent la France se font rares aujourd’hui. Ce qui fait quand même sourire, c’est que les intellectuels dégagistes qui la fusillent à bout portant et la renient, gardent et s’expriment dans sa langue. On dégage la France, mais pas sa langue ! Pauvres Français alors qui, comme on le sait et le constate, laissent leur langue décliner, mourir. Elle serait dans une tombe si le Sud francophone n’était pas là pour l’oxygéner et la réinventer ! Seul le colossal romancier, feu Ahmadou Kourouma, se plaisait à insulter la France, quand il s’y mettait, dans une suave langue malinké ! A la vérité, la légende dorée de la France des Lumières, témoignera pour longtemps encore de la splendeur de son esprit créatif, littéraire et artistique conquérant ! Sa langue avec laquelle nous avons forgé et fondé une famille est désormais la nôtre. Nous en sommes co-propriétaires !
Seulement, la France a vieilli et mal vieillie, sa gloire atomisée par des dirigeants politiques ivres d’eux-mêmes, arqués, précaires, inattendus, arides, clignotants, hostiles, moins lumineux que la mémoire faste de leur grand pays ! La France des lumières est devenue la France des ombres ! Mais elle se relèvera de sa décadence en marche quand l’extrême droite, un jour ou l’autre, c’est acté, aura fini de gouverner une France qu’elle achèvera de sa vraie mort. C’est un passage obligé.
Certes, le peuple français résiste admirablement pour l’heure et repousse l’échéance, mais c’est l’histoire qui veut que les enfants immigrés et adoptifs d’une France qui leur a tout donné chassent leurs semblables, avec une jouissance extrême, dans des campagnes électorales de politique migratoire interminable. Oui, combien de Français sur dix, de nos jours, sont de véritables Français de souche ? L’étape de l’extrême droite gouvernant la France franchie, arrivera alors seulement la résurrection. La France mue mais ne mourra pas. Elle a ce destin de renaître quand on a eu des enfants comme Hugo, Rimbaud, Éluard, Chateaubriand, Flaubert, Balzac, Saint-Exupéry, Camus, Malraux.
Quant à notre cher continent, l’Afrique, elle est certes d’une tragique complexité politique et sociale, mais quelle résilience, quelle noblesse, quel poids insoutenable d’injustice bue jusqu’à la lie, quelle résurrection sous l’occupation coloniale sauvage et arrogante, les malheurs et les deuils, et ce, durant des siècles et des siècles d’exploitation et de déculturation ! Se relever du fond de tant de tombes scellées, relève de la seule foi en soi. Cette foi a précédé dans nos cœurs la furia des occupants et a fait de nos âmes un bouclier impénétrable ! Notre culture nous a sauvés ! Il nous reste à lutter contre nous-mêmes pour vaincre la misère, car nous sommes avant tout notre propre venin ! Et ce n’est pas gagné ! Il nous faut encore rebâtir !
Relevant de nos relations avec la douce France de jadis, on peut aisément reconnaitre, alors que l’on se trompe, que Senghor et tous ses successeurs au pouvoir, avaient une expérience coloniale opposée à celle d’aujourd’hui, celle de Diomaye, de son gouvernement et de leur projet de ligne de rupture totale ! Jamais l’actualité des colons français n’a pris une telle ampleur avec l’arrivée de jeunes équipes politiques à la tête des pays de l’AES et chez nous au Sénégal. Et ce n’est pas fini. Il faudra bien vite tourner la page et s’occuper de nos propres pays et de nos peuples qui attendent !
La vérité, est que le pauvre Senghor accusé de collaboration et de soumission à la puissance coloniale, a toujours clamé et dénoncé le poison et le mal colonial de ceux qui vous « donnent de la main droite et de la main gauche enlève la moitié » comme il l’écrit lui-même. Il se plaignait même en nous disant que « les Sénégalais avaient pris tous les défauts des Français ! » Abdou Diouf comme Abdoulaye Wade comme Macky Sall, ont résisté, mollement, confidentiellement ou malicieusement, mais toujours avec la fermeté diplomatique qui sied, pour trouver politiquement le consensus qui ne conduit pas à la rupture brutale et guerrière avec la France, même si la France, elle, a choisi la bravade et le courroux, dès lors qu’elle est répudiée.
Aucun Sénégalais par son sang et son héritage, son orgueil, sa fierté et sa dignité, n’est enclin à accepter la tutelle, la soumission, la honte, l’agenouillement, la domination ! Senghor le premier qui nous a menés à l’indépendance dans la paix, qui nous a donnés un hymne national fédérateur et choisi pour notre armée nationale sa légendaire devise : « On nous tue, mais on ne nous déshonore pas. »
Par ailleurs, remettons les montres à l’heure ! D’ici cinq ans, quoiqu’il advienne, Diomaye ne rompra pas ses relations diplomatiques et économiques avec la France. En un mot, la France ne dégagera pas, mais elle a intérêt à être encore et encore plus discrète, plus intelligente, moins frontale, polémique, plus respectueuse, moins nerveuse et morveuse, moins léonine ! C’est quand on est faible que l’on se tait pour se réinventer !
La France en a assez bouffé de l’Afrique ! Son temps d’obésité, elle le doit à l’Afrique, même si elle a beaucoup maigri ! Son temps d’hégémonie est bien fini sur le continent. Le linge dans la machine à laver sort, paradoxalement, plus sale encore, à chaque fois que son Président ouvre la bouche. Comment Macron, cet éloquent et brillant garçon, d’une autre génération, peut-il continuer à se tromper sur un continent qui a tout donné à la France : son sang, son cœur, ses entrailles, son sperme, ses bras, ses greniers, son amitié, sa loyauté, sa si longue fidélité ?
Les conseillers du Président Macron qui ont écrit son discours prononcé devant les ambassadeurs de France, avaient dû boire beaucoup de café sucré à l’opium ! Comme Sarkozy, Macron ne s’est pas relu. Sarkozy a fini par reconnaitre sa faute ! L’Afrique est une femme furieuse : on ne vient pas vers elle avec une assurance de milliardaire fauchée, d’ignorance et de hauteur coupables ! La France ne demande qu’a être aimée et ses dirigeants la mettent devant les pelotons d’exécution ! L’Afrique ne tire plus des balles à blanc !
Par ailleurs, il est l’heure. Il nous faut au-delà d’une République et d’une nation déjà édifiées par Senghor, rebâtir plus solidement une patrie, c’est-à-dire un sentiment d’appartenance qui « nourrit un esprit public, c’est -à-dire la subordination volontaire de chacun à l’intérêt général, condition sine qua non de l’autorité des gouvernements, de la vraie justice dans les prétoires, de l’ordre dans les rues, de la conscience des fonctionnaires. » C’est dans ce sens que le PROJET de PASTEF sera soutenable, viable, historique, conquérant.
Nous n’avons pas pu refuser de donner la parole à l’Ambassadeur de Tombouctou qui a tenu à être entendu. Écoutez-le : « Sonko et Diomaye n’étaient pas des prisonniers » assène-il ! « C’est plutôt Macky Sall qui avait trop pris soin d’eux contre leur volonté et le voilà à son tour emprisonné à Marrakesh, contre sa volonté. Pour que le Sénégal retrouve sans tache son aura et la continuité d’une alternance saluée et archivée dans tous les cœurs des peuples épris de démocratie, laissez donc Macky Sall revenir chez lui ! »
S’adressant aux tenants du nouveau pouvoir, l’Ambassadeur de Tombouctou poursuit : « Votre générosité avait été saluée, quoique surprenante mais noble, d’avoir mis l’avion présidentiel à la disposition de l’ancien Président, pour le déposer au Maroc. Et si vous renvoyiez le même avion le chercher pour renter à la maison ? Si la justice l’invitait un jour à répondre de ses actes, n’ayez crainte, il y répondra. Cela ne pourrait que le grandir ! Les accusés comme les accusateurs ont droit au même prétoire. Les familles de ceux qui ont perdu leur enfant comme la République qui nous abrite tous, doivent veiller à situer les responsabilités de chacun et que justice soit rendue et non que vengeance soit rendue. »
L’Ambassadeur de Tombouctou ajoute : « Senghor est enterré chez lui, au Sénégal. Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, Macky Sall, Diomaye Faye, seront enterrés chez eux, un jour que nous souhaitons très lointain. Fermez la « prison » de Marrakech ! Notre pays ne peut pas et ne doit pas ressembler à un pays qui exile ses enfants. Ceux qui, au cimetière de Yoff, s’arrêtent un instant pour prier sur la tombe de Ahmadou Ahidjo, 1960-1982, le père de l’indépendance camerounaise mort à Dakar, savent mesurer ce drame insoutenable d’un chef d’État qui n’a pas pu retourner chez lui et qui, même mort, 43 ans déjà, ne peut pas, non plus, retourner chez lui. Peut-être quand Paul Biya sera lui aussi mort ! »
L’Ambassadeur de Tombouctou de conclure : « Alors, cette douloureuse et laide image d’un Président de la République du Sénégal qui erre et qui semblerait être apeuré et exilé sous les menaces de ses successeurs, doit vite être effacée. Cela ne peut pas ressembler au Sénégal, ni à Diomaye, ni à Sonko, dont la foi ne peut être mise en doute. Mais la foi, bien sûr, n’est pas la miséricorde qui est cette « aptitude qui pousse à pardonner à un coupable, à un vaincu ; un pardon accordé par pure bonté. Dites à Macky Sall qu’il n’est ni menacé ni exilé et s’il l’était, c’est qu’il n’était menacé et exilé que par sa seule et propre conscience. Ne l’abattra pas qui veut. Seule la justice en décidera face à ceux qui auront choisi librement et démocratiquement de s’en prendre à lui. Qu’il rentre chez lui. Sa place est ici. C’est ici qu’il doit vivre et mourir. C’est ici qu’il doit payer ses dettes et ses fautes si elles sont prouvées par les juges. On ne demande pas à des juges d’être miséricordieux ! Dieu l’Unique possède ce Cœur souvent inconnu de ceux qu’IL a Lui-Même créés. »
Oui, donnons-nous la main, sans venin ! Fuyons l’adversité ! Méditons la vie et l’éclat de nos saints qui, de l’exil au triomphe, n’avaient comme joie et fortune que le Coran, comme pain que leur chapelet, leur natte de prière, comme émerveillement que le lever du jour.
Quant à la France et pour revenir à elle, souhaitons-lui de retrouver la musique des âmes tranquilles qui n’ont jamais péché ! Il lui faudra un saint et ils sont si rares de nos jours, à défaut un saint qui a peu péché et qui a reconnu devant Dieu et les hommes qu’il n’était avant tout qu’un simple mortel !
Amadou Lamine Sall
Poète Lauréat du Grand Prix international de Poésie africaine, Rabat, Maroc Lauréat du Grand Prix de l’Académie française