Coup de tonnerre dans le paysage économique ouest-africain : selon les informations du média panafricain Jeune Afrique, la Guinée a officiellement surpassé le Sénégal en termes de Produit Intérieur Brut (PIB), devenant la deuxième économie d’Afrique francophone après la Côte d’Ivoire.
Ce basculement ne résulte pas d’un miracle économique, mais d’un rebasage méthodologique du PIB, opéré en juin dernier par Conakry. Avec l’appui de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), la Guinée a adopté le nouveau standard international SCN 2008, ce qui a permis d’intégrer des secteurs auparavant sous-évalués ou non pris en compte. Résultat : une révision à la hausse de plus de 51 % de la taille de l’économie nationale.
Le nouveau PIB guinéen est désormais estimé à plus de 37 milliards d’euros, contre 32,27 milliards d’euros pour le Sénégal, selon les données 2024 citées par Jeune Afrique. Ce rebasage permet aussi à Conakry d’améliorer mécaniquement ses indicateurs macroéconomiques, notamment le ratio dette/PIB, sans pour autant modifier son niveau d’endettement réel ou ses recettes fiscales.
Mais cette avance pourrait n’être que temporaire. Toujours selon Jeune Afrique, Dakar a également entamé son propre processus de rebasage. Si celui-ci aboutit dans les mois à venir, le Sénégal pourrait reprendre sa deuxième place économique dans la zone francophone ouest-africaine.
Au-delà des chiffres, la Guinée peut aussi compter sur des perspectives de croissance soutenues. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une croissance de 6,5 % en 2025, après une année 2024 perturbée par l’explosion du principal dépôt de carburant à Conakry. Et dès fin 2025, le lancement du gigantesque projet minier Simandou, estimé à 15 milliards de dollars, devrait porter la croissance à près de 10 %, selon les projections de la même source.
Avec une production attendue de 120 millions de tonnes de fer par an, Simandou devrait représenter 26 % du PIB guinéen d’ici à 2026. Parallèlement, la production de bauxite — autre pilier de l’économie guinéenne — devrait atteindre 200 millions de tonnes par an d’ici fin 2025, un chiffre multiplié par dix en dix ans.
Fort de ces indicateurs, la Guinée a obtenu le 18 septembre dernier une notation souveraine inaugurale de l’agence S&P : B+ avec perspective stable, une première pour le pays. Cette note la place devant le Sénégal (noté B-) et le Togo (B), mais derrière le Bénin (BB-). Une reconnaissance qui ouvre à Conakry les portes du marché obligataire international.
Toutefois, Jeune Afrique souligne que cette embellie économique masque des défis structurels persistants. Le taux de pauvreté reste élevé à 52 %, selon la Banque mondiale, et la croissance tirée par les mines ne profite que marginalement aux populations. Le déficit budgétaire est attendu à 4,8 % du PIB en 2024, et la dette publique continue de croître, alimentée par d’ambitieux projets d’infrastructures.
« Le Simandou donne l’illusion du plein-emploi, mais une fois les travaux d’infrastructure terminés, plusieurs milliers de personnes perdront leur emploi », confie une source proche du dossier à Jeune Afrique. Le véritable défi pour les autorités guinéennes reste donc la création d’emplois durables et la diversification de l’économie, au-delà des ressources extractives.
Pour le Sénégal, cette avancée guinéenne sonne comme un signal d’alerte. Si Dakar veut rester compétitif et maintenir sa position régionale, il devra accélérer ses réformes structurelles, renforcer la mobilisation des recettes fiscales et faire aboutir son propre rebasage. La bataille des chiffres est lancée, mais celle du développement inclusif reste entière.
Emedia