Défis présidentiels : tel est le titre du récent ouvrage de Pascal Guèthe Ndéne édité par la maison d’édition l’Harmattan. Ce livre, publié en janvier 2024, souligne l’impérieuse nécessité de placer les politiques destinées à la jeunesse au rang de priorité nationale pour le nouveau gouvernement sénégalais.
Faits – En 2022, la moitié de la population sénégalaise était composée d’individus âgés de moins de 18 ans. La tranche d’âge allant de 18 à 35 ans compte 5 millions d’habitants, soit l’équivalent de la population totale du Sénégal en 1976. Selon les données de l’ANSD en 2018, le taux d’analphabétisme parmi la population en âge de travailler n’ayant jamais fréquenté l’école s’élevait à 57,7 %, tandis que 16,5 % avaient un niveau primaire. Ce manque criant d’instruction est particulièrement marqué en milieu rural où plus de 85 % des individus possèdent tout au plus un niveau primaire. Ce constat peu flatteur met en lumière l’étendue des défis auxquels devront faire face le nouveau Président et son gouvernement. Pleinement conscient de cette réalité, le Président Bassirou Diomaye Faye a déclaré lors du discours traditionnel adressé à la nation prononcé veille du jour de l’indépendance, le 3 avril, que « l’éducation, la formation professionnelle, l’emploi ainsi que l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes restent des défis majeurs à relever. J’en ferai une priorité élevée des politiques publiques, en concertation avec le secteur privé. »
Trois axes de réformes fondamentales
Propositions – étant donné que les problèmes actuels sont imputables à des facteurs tels que l’abandon de la politique d’éducation populaire depuis les années 1980, les obstacles à l’accès à l’éducation dans les milieux informels ou ouvriers, ainsi que les répercussions du phénomène urbain sur la jeunesse. Raison pour laquelle « la jeunesse manque de perspectives » car, « elle se sent exclue ». L’auteur soutient qu’il est impératif d’agir sur l’ensemble du système en renouvelant le projet de société afin de transformer la situation actuelle par le biais de réformes fondamentales. Pascal avance trois axes majeurs de réformes : réintroduire l’éducation populaire au cœur du développement humain, professionnaliser les secteurs d’apprentissage des métiers et renouveler le « projet urbain sénégalais », dans un nouveau projet de société en expérimentant des pratiques éducatives inclusives, professionnelles et économiques.
– Pour un modèle d’éducation populaire au Sénégal, l’auteur suggère que le gouvernement s’inspire du modèle japonais d’éducation populaire initié en 1949 ainsi que du modèle suisse des Maisons de quartier. Concernant ce dernier, il s’agit de structures composées d’associations bénévoles et de professionnels qui promeuvent l’animation socioculturelle dans les quartiers à travers un programme d’activités dédié aux enfants, aux jeunes et à l’ensemble des résidents du quartier. Une réplique proche des centres communautaires d’apprentissage japonais, kôminkans. Ces derniers qui n’avaient pas seulement pour but de créer un environnement propice au progrès des jeunes Japonais, mais aussi de favoriser l’intégration de la nation.
– Une formation dans le secteur informel ouvrier, un programme d’investissement public est requis pour moderniser, équiper et rénover les structures de travail informel. Cela implique une formation continue et la certification des travailleurs. Les secteurs ciblés comprennent notamment l’automobile, le bâtiment, la menuiserie, l’artisanat, la couture, les services à domicile, l’électroménager, la fabrication d’outils de production, le commerce ambulant et les soins esthétiques. Selon Pascal Guèthe Ndéne, ces secteurs ont connu un développement significatif au cours des 50 dernières années.
– Un renouvèlement du « projet urbain sénégalais » se présente comme une nécessité pressante. Il requiert une restructuration sociale et spatiale des municipalités et des quartiers, visant à rétablir l’équilibre de chaque segment de la population dans le tissu social local. Ceci implique la création d’espaces dédiés aux activités et aux loisirs des jeunes, la revitalisation des centres urbains, la réorganisation du secteur commercial et économique en libérant les artères principales. Il est également essentiel d’introduire de nouveaux services au sein des municipalités pour promouvoir l’environnement, l’enfance, la jeunesse et le bien-être social.
Selon Pascal, cet ouvrage est destiné à l’ensemble des décideurs et acteurs dans le domaine de l’éducation de la jeunesse, ainsi qu’à tous les citoyens sénégalais. Bien que le président de la République du Sénégal hérite d’un pays où tous les secteurs revêtent une importance primordiale, il convient de souligner que la jeunesse demeure une priorité parmi les priorités. Il s’agit là d’un défi majeur, car en agissant dans ce domaine, il est possible de résoudre simultanément d’autres problèmes. Une certitude demeure : l’engagement de l’ensemble des Sénégalais pour le succès et le développement du Sénégal.
Par Mouhamed Ben Abdallah Diene