Trois veaux détalent à l’approche des véhicules. Les bêtes rejoignent le troupeau, broutant le tapis herbacé de l’autre côté du sentier. À bord de la seconde voiture, l’équipe Emedia suit celle de Baye Demba Samba, producteur maraîcher, qui nous conduit dans son champ à Filfili, à l’entrée de Sébikotane. Sur place, des travailleurs saisonniers, hommes, femmes, jeunes et vieux, tous venus du village de Mbeuth. La saison des aubergines et des choux bat son plein. Les ouvriers agricoles sont en pleine récolte.
«Le prix du kilo d’oignons doit varier entre 500 et 550 F CFA»
Baye Demba Samba est aussi producteur d’oignons. Il a donc son mot à dire concernant la filière surtout au moment où le produit fait l’objet de spéculations. Le prix à bord champ est fixé entre 350 et 400 FCFA, renseigne le producteur. Il dément catégoriquement avoir vendu le kilogramme à 800 F CFA. Il est aussi formel : Le prix de commercialisation ne devrait pas dépasser 550 F CFA, malgré l’application du différentiel de transport. C’est à l’État de prendre des mesures idoines pour veiller au respect du prix fixé. Or, l’oignon s’arrache à 2000 F CFA le kilo dans certaines localités du pays comme à Ziguinchor.
Ngoné Ndiaye, ouvrière agricole, voue aux gémonies les commerçants véreux. «Les commerçants achètent les produits, les gardent en magasin et en profitent pour augmenter les prix», assène-t-elle, courroucée.
Suite à la flambée des prix et à la rareté de l’oignon, l’État du Sénégal a pris des dispositions. Ansoumana Sané, le directeur de l’Agence de régulation des marchés (Arm), entre autres mesures, a annoncé la réception de 2400 tonnes d’oignons en attendant d’autres arrivages.
«C’est une goutte d’eau dans la mer»
Baye Demba Samba émet des doutes : «C’est une goutte d’eau dans la mer. Ce n’est rien par rapport à la consommation journalière» estimée à 800 kg par jour, au Sénégal. D’ailleurs, appuie-t-il, «d’après l’expérience que j’ai pu acquérir, une solution à court terme n’est pas envisageable. L’État en est conscient. Il faut attendre entre trois et quatre mois». Du coup, il penche plutôt pour des solutions à long terme. Pour ce faire, l’État doit veiller à ce que les producteurs locaux accèdent aux terres. «Je loue ce champ», fulmine notre interlocuteur. Il ajoute : «La filière oignon rencontre d’énormes difficultés. De 2019 à 2022, on a eu des surproductions. Faute de hangars pour les stocker, les cultures pourrissaient entre nos mains. On a ameuté mais l’État n’a pas réagi. On était même obligés de creuser des fosses pour enterrer l’oignon. Cela s’est passé ici».
Baisse de rendements
Aujourd’hui, la situation inverse est constatée. Selon le producteur, «c’est parce que des producteurs n’ont pas cultivé l’oignon, cette année». Sur les 100, la moitié seulement a produit de l’oignon, dit-il. Selon lui, il urge aussi de régler les problèmes de semences. «Cette année, avec mes frères, on a produit 100 tonnes d’oignons. On avait plus de rendements l’année précédente. On a préféré ne pas prendre de risque de faire des semis en pépinière». En plus, souligne-t-il, le prix augmente sans cesse. Il en veut pour preuve : «Pour la variété safari, on achetait le pot de 500 grammes entre 9 000 et 11 000 F CFA. Cette année, on nous le vend entre 29 000 et 30 000 F CFA. Ça suffit». D’où son plaidoyer pour une subvention des semences comme cela se fait pour l’arachide, et une meilleure répartition dans la distribution d’engrais. Il réclame également un audit des milliards déjà investis dans le secteur où les producteurs doivent être impliqués dans la prise de décision.