La fête est finie. Le rictus use le sourire. La morosité profite de la porosité. La vie est onéreuse. Elle le sera de plus en plus. La précarité est au plus près à mesure que les milliards pleuvent. Le Sénégalais galère. Dakar meurt d’ennui. Elle est illuminée de guirlandes sans être radieuse. Les cœurs ne brillent pas de mille feux. Sans lumière, ils sont de pierre. Les anges du civisme se comptent sur le doigt d’une main. Le démon a pris la main. Il a le visage de la discipline plongée dans une piscine sans fond. Le manque d’intérêt pour l’intérêt général est aussi un naufrage. Les années défilent comme des mannequins. 2023 a été un éternel recommencement de l’histoire.
La fête est finie. C’est chacun pour soi. Habillé aux couleurs de Coca-Cola, le père Noël, à son corps défendant, commet un impair. Les enfants ont eu moins de cadeaux. Au pied du sapin, on leur pose plus souvent des lapins. Les enfants de chœur sont aussi privés parce que les adultes n’ont pas la main sur le cœur. Le portable collé à la main est désormais chevillé au corps. Il baisse les vigilances les plus intraitables et génère des misanthropes. Après le mésentère, dernière découverte dans l’anatomie de l’Homme, le cellulaire est devenu un nouvel organe humain. «Nos créatures finissent par nous échapper», a dit l’inventeur d’Internet. À force de mauvaise utilisation, on en a fait une poubelle remplie de détritus. Les applications sont là pour nous rappeler qu’on ne s’applique plus.
La fête est finie. La musique n’est plus bonne. Elle a déjà été jouée. Les discothèques disparaissent. Les Disc-Jockeys sont moins intéressants. Les outils sont plus sophistiqués mais il n’y a plus beaucoup de génie pour s’en servir. Le talent se fait rare. «La musique commence là où s’arrête le pouvoir des mots», a dit Wagner. Chez nous, ça parle beaucoup. La parole ne remplacera pas l’action ni la partition.
La fête est finie. L’année finissante est celle de l’autodafé. Visité en plein jour par l’obscurantisme, le temple du savoir a été mutilé. Les étudiants ne l’ont pas assez protégé. Ils en paient le prix. La soif de connaissance ne vaut plus rien à l’instar de lux mea lex. L’aplatissement a éteint les lumières. «Fermer une école, c’est ouvrir une prison», dit Victor Hugo.
La fête est finie. La bousculade au Conseil constitutionnel préfigure-t-elle la débandade. La quantité porte préjudice aux profils sérieux. Tout le monde parle en même temps. Personne ne s’entend au milieu de la cacophonie et la confusion. L’éligibilité est mise sur le même plan que la présidentiabilité. On mélange tout au lieu de faire le ménage.
La fête est finie. Le candidat du pouvoir croit au pouvoir de la continuité. Pourquoi n’a-t-il pas cherché un autre mot pour s’éviter la vacuité ? Le PM-candidat a des efforts à faire dans le discours pour ne pas risquer la discontinuité. Au sein de l’opposition baroque, on ne voit pas plus d’originalité. Elle balance les mêmes banalités à force de démagogie.
La fête est finie. Le divorce d’avec la jeunesse est brutal. La colère est là. Les gouvernements successifs se cassent les dents sur l’écrasante charge sociale. Les gens sont à bout. S’ils arrivent au bout de leur odyssée, ils ne voient jamais l’eldorado. C’est une légende. Une contrée utopique dont les murs étaient soi-disant en or. C’étaient des roches contenant du mica qui brillent au soleil. Pourtant, les damnés de la terre restent et demeurent les damnés de la mer. Citoyens d’un pays si stable, les candidats à l’exode se bouchent aussi les oreilles devant la perspective du pétrole et du gaz. Ils ne sont pas impressionnés.
La fête est finie. Les défaites vont s’accumuler au rythme des crises. Une fête de l’esprit nous tirera peut-être de ce mauvais pas. 2024 commence bon an mal an par le long tunnel de la Présidentielle.
Par Assane GUÈYE