Les Sénégalais savent bien aller voter les dimanches quand ils sont appelés aux urnes. Les autres jours de l’année, ils se comportent étrangement. Il va de soi que tout le monde n’est pas à mettre sur le même plan. Une majorité silencieuse, tranquille et sans histoires est rarement prise à défaut en matière d’urbanité. Le malheur en est que les mauvaises nouvelles voyagent bien plus vite. Ceux qui se prévalent de leurs propres turpitudes font beaucoup de bruits propagés particulièrement par les réseaux. L’injure à la bouche, ils sont sur toutes les lèvres le temps d’un moment fugace. Le mot n’a tellement pas de sens qu’on s’excuse même à devoir l’utiliser. Le buzz recherché et créé finit par créer des ennuis terribles pour qui se soucie trop de son miroir. C’est un peu le diable à qui on donne un baiser. Viral sur les plateformes, un propos effarant défraie la chronique mais vire au cauchemar pour son auteur. Ce dernier peut être certain qu’il va être parqué et ballotté entre retour de parquet et mandat de dépôt si la chance ne lui sourit pas. Il l’aura bien cherché, même s’il est toujours mieux de donner sa chance à la loi de pardon. L’activisme à la sénégalaise est un raccourci qui prospère sur le lit de l’inactivité et du laisser-aller. Les risques d’un métier usurpé tombent sous le sens. À force d’irresponsabilité, on tombe sous le coup de la loi.
Le vrai casus belli
La liberté d’expression est moins un droit qu’un corset. Elle ne libère pas. Elle enserre. C’est d’abord un régime de devoir. Mais que dit toute cette profusion de déballages à deux balles par voie de médias en ligne ? Chacun publie et devient en soi un directeur de publication incontrôlé. Les nouveaux outils de date récente sont une des plus belles inventions que le cerveau humain a mises au point. Ils permettent entre autres que la communication se fasse à une folle allure. Mais sans rationalité dans leur utilisation, ils exposent et explosent à la figure de ceux qui n’ont pas su les apprivoiser, voire se débrancher. En vérité, les utilisateurs compulsifs et imprudents sont des victimes. Sans culture du respect et de la modération, ils ne peuvent pas s’imaginer qu’une sorte de bombe a été placée entre leurs mains. L’usage abusif des applications détériore la santé mentale. On ne s’applique plus. La nouvelle drogue dure, car ç’en est une, pose un problème de santé publique dans une société où la prévention n’a plus sa place. Gouverner, c’est prévenir les événements. Internet est magnifique sur le plan technique mais maléfique en matière d’éthique. Jouissant d’une totale impunité, le prédateur ne voit pas pour quelle raison il s’arrêterait de sauter sur ses proies en flammes. Tous les domaines de la vie sont régulés sauf celui-ci. Dire qu’on n’y peut rien ou que tout a été essayé est un silence complice. Tous américains à une exception près, au-dessus des lois, les géants du net se montrent plus forts que les États. Ils s’en prennent à ce que nous avons de plus cher en lançant les cyberattaques les plus sournoises contre le vivre-ensemble. Là se trouve le vrai casus belli. Tous ces malotrus qui tirent sur tout ce qui bouge dans des lives les uns plus agressifs que les autres ne sont que des symptômes. Le phénomène d’anarchie vient en premier lieu et en grande partie de ce que les États ont capitulé en rase campagne en abandonnant une partie de leur souveraineté à ces officines monstrueuses d’inventivité et d’immoralité à la fois.
Mélenchon ne vous sera d’aucune utilité
À Dakar, Mélenchon a été fidèle à lui-même. Il s’est comporté non pas comme un altruiste mais un anarchiste. C’est un autre que nous qui ne connaît pas la psychosociologie sénégalaise. Il ne parle pas nos langues et ne s’habille pas comme nous. Il est certes grandiloquent mais ne fait jamais rien pour rien. Un gladiateur et commentateur n’est pas un acteur qui a un impact sur la réalité. Rien de grand ni de bon ne peut provenir de lui. La jeunesse estudiantine l’a peut-être écouté mais ne l’a sûrement pas entendu. Il faut plus qu’un moulin à paroles pour tracer un horizon à ces jeunes frères et sœurs inquiets qui ne savent pas de quoi demain sera fait. L’université s’appelle de cette façon parce qu’on y enseigne les savoirs universels. Tout se discute. Pas de sujet tabou. Mais de jardins secrets et intimes, on pouvait bien s’en passer. Une pratique estampillée contre-nature suffit à convaincre de son abomination. Offrir une tribune à un belliciste et lui parler de casus belli apporte beaucoup d’eau dans son moulin. L’insoumis n’était venu soumettre le moindre projet. Il est reparti en laissant derrière lui polémiques, erreur de communication et de casting. De part et d’autre, c’était au final pas mal de tirades et fort peu de discours de charme.
Par Assane GUEYE