Le Sénégal supporte son propre poids. Il est sorti indemne du dérèglement démocratique du 3 février dernier. Au soir du 24 mars, toutes les incertitudes ont été balayées. Le suffrage universel nous a sauvés du naufrage collectif. On ne s’amuse pas avec le pays qui reste et demeure l’un des plus stables de la planète et qui entend le rester. Répondant toujours présent aux grandes occasions, le peuple a démontré qu’il tient à la stabilité comme à la prunelle de ses yeux. Il l’a donc protégée avec une rare subtilité. Il a fait d’une pierre, deux coups en finissant rapidement le travail dès le premier tour au terme duquel le match a été plié. Toute forme de transition expérimentale a été évacuée et tuée dans l’œuf. Il n’y a pas eu de zone grise encore moins de boîte noire au-delà du 2 avril. Tout est bien qui finit bien. La troisième respiration démocratique sourit à Bassirou Diomaye Faye. Le candidat de substitution n’en est pas moins le cinquième président de la République du Sénégal. La chance n’est pas du hasard. Ses premiers pas de premier d’entre les Sénégalais n’ont pas donné lieu à des faux-pas et n’ont pas laissé place non plus au faux-semblant. Les allocutions à l’occasion de l’investiture et de la veille de l’indépendance ont été bien senties.
Dans le fond comme dans la forme, la surprise est assez agréable. Un homme doux ayant reçu en apparence une très bonne éducation, moins timide que poli, arrogant de sang-froid accède à la fonction suprême. Le nouveau président doit inspirer de la bienveillance car il est trop tôt pour balancer des outrances. Il faut l’accompagner jusqu’à preuve du contraire. Devenir chef de l’Etat, c’est occuper une place inhumaine dans un pays qui marche à tâtons. Le président hérite aussi bien de la cour d’honneur que d’un cadeau empoisonné. La charge sociale est écrasante dans le pays. La pression et les demandes exprimées tous azimuts sont compréhensibles mais ne doivent pas être démesurées. Il faut souhaiter au cinquième président d’avoir un sixième sens. Autrement dit, beaucoup de méthode et de dextérité afin d’appréhender les risques du métier. Car il exerce avec son nouveau Premier ministre un métier très risqué. Les erreurs qu’ils feront se paieront cash.
Le momentum de Sonko
En portant Diomaye à la tête du pays dans les circonstances que l’on sait, les Sénégalais ont aussi validé un ticket qui ne dit pas son nom. Il est à espérer que la complémentarité prenne le dessus sur toute forme de dualité invoquée çà et là. Éloigné des dossiers depuis un bon bout de temps, Ousmane Sonko dont c’est incontestablement le momentum, doit se refaire la main, gagner en expérience et confirmer un leadership comme chef du gouverne- ment. On s’est d’ailleurs dit tout de suite qu’avec ses nouvelles responsabilités, il peut être une chance inouïe pour la paix définitive dans la région naturelle de Casamance. Le poste qu’il occupe n’en est pas moins ingrat. Le Premier ministre est partout dans le monde un fusible qui saute quand les choses vont mal. Ne le perdons pas de vue. Les crises comme les chocs se produisent plus fréquemment en ces temps brouillons.
Comme les derniers gouvernements de passage, le nouvel attelage qui s’installe fera beaucoup de gestion de crises. C’est évident parce que l’abondance est finie. La rareté est quant à elle infinie. En plus d’être méthodique, il faudra aux entrants sacrifier aux moments de vérité. Dire la vérité et ce qu’il est possible de faire, ce n’est pas sorcier. En revanche, toute démagogie ne sera improductive. La confiance et la crédibilité ne supportent pas les attitudes démagogiques. Le pire n’est jamais sûr mais les plus belles histoires d’amour finissent bien souvent avant de commencer. En attendant, il faut se montrer bienveillant et grand seigneur pour ne souhaiter que réussite et succès aux nouveaux dirigeants.
Par Assane GUÈYE