Brennus, le Gaulois, l’avait dit aux Romains. Vae victis, malheur aux vaincus. Les vainqueurs ont toujours le beau rôle. Ils écrivent l’histoire. La dernière élection présidentielle est déjà de l’histoire ancienne. Les vieux routiers ont pris un coup de vieux et le couperet est tombé. Des plus jeunes qui tombent en politique ont appris à leurs dépens que cette forme d’engagement requiert du métier. C’est un univers glauque truffé de coups de théâtre. Être une bête de scène politique ne suffit plus. Il faut être rock and roll. Anticonformiste. Antisystème. Être aux antipodes de tout ce qui est antédiluvien. Mais il n’est pas sûr que le déluge du 24 mars soit un déclic. Car il y a un hic. Les nouveaux gouvernants gouvernent de plus en plus des citoyens qui savent aller voter le dimanche sans histoire mais savent aussi se montrer ingouvernables. Une chose est donc de profiter du suffrage universel, une autre est d’avoir des qualités exceptionnelles de prestidigitation pour imager les recettes miracle. Le premier outil du parti de la victoire n’est pas de vendre du vent. C’est de vendre du rêve. Son cauchemar à lui est de se rendre tout de suite compte que la critique est aisée mais l’art est difficile. Surtout quand on est caricaturé en novice. La position de commentateur est commode. Celle qui fait de vous acteur et responsable est complètement différente. Dans la rue, la démagogie est permise. Au pouvoir, on vit un rêve éveillé où le droit à l’erreur ou de se tromper n’existe pas.
Vendre du rêve, pas du vent
Les rêves les plus longs ont toujours une fin. Les élections virent au référendum. L’électeur n’a pas le même référentiel que celui qui brigue ses suffrages. Les professionnels de la politique découvrent l’amateurisme et le défaitisme. Dans le monde bigarré des gens défaits figurent aussi les gens démesurément ambitieux. Les débutants et désabusés qui faisaient semblant d’y croire échouent à la première tentative. Ils étaient aussi nombreux tous ceux qui se croyaient indispensables parce que soi-disant une bonne étoile avait tissé leur destin. Faisant bande à part ou coalisés, les éclopés sont couturés de cicatrices et auront du mal à panser les blessures. Insubmersible depuis son installation, Benno bokk yaakar était en fait un tigre de papier. Il a suffi d’un seul homme pour que le rouleau compresseur soit au bout du rouleau. Le jour n’est plus loin avant que l’appareil tombé en désuétude ne vole en mille morceaux. Il n’y a plus de pilote dans l’avion. La locomotive Apr avait déjà déraillé. Une famille politique sans franche camaraderie se fait mal tout seul. L’émotion de la cinglante défaite ne peut justifier une motion de censure. Le bon sens du bon perdant, c’est la motion de bienveillance. Il est trop tôt de penser à une quelconque revanche. Prématuré de sortir de sa tanière. Les grands blessés de guerre sont aussi incarnés par des individualités en chair et en os. Personnaliser le débat ne garantit pas un débat de fond. Mais il s’agissait de rendez-vous d’un homme ou d’une femme avec son peuple. Un homme ou une femme exceptionnel.
Faire l’histoire et les histoires commencent
Nommons donc les choses et les êtres. Amadou Ba n’a rien fait pour éviter d’être tiré vers le bas. Passer son temps à cacher son jeu se paie cash. Autre grand gâchis, Idy qui se voyait 4ème président n’est même pas le numéro 5. Il en avait toutes les aptitudes. Mais en a-t-il eu l’attitude ? Toute idylle est basée sur la confiance. Quand elle n’est plus là, la méfiance est une idée qui se répand. Autre mésaventure, celle de Khalifa. Son manque de magnétisme et la présence d’un phénomène qui grille la politesse ont été chao- tiques pour son aventure. Même le champion du Pds n’aurait pas fait le poids dans ces circonstances. En quelque sorte, Karim a été sauvé par le Conseil constitutionnel. Loin du spectacle, il s’est contenté de donner une consigne de vote. La démocratie est un spectacle sans spectateur. Les absents ont toujours tort. Redresseurs de tort et juges de paix, les Sénégalais s’attendent maintenant à un spectacle féerique de la part de ceux qu’ils ont choisis. Si les nouveaux dirigeants ne font pas de bons choix et manquent leur cible, ils seront très vite la cible des détracteurs qui surgiront de partout. Malheur aux vaincus mais gare aux maladresses. Les vainqueurs font l’histoire. En même temps, les histoires commencent pour eux.
Assane GUÈYE