On a pris une habitude. Celle de se borner aux affaires domestiques sénégalo-sénégalaises. Il faut s’occuper avant tout de ce qui crève les yeux sous nos yeux. Balayer devant sa porte avant d’honorer quelque rendez-vous ou banquet de l’universel. Le village planétaire ne peut pas planer sur tout. La case intérieure a du reste assez de sujets brûlants pour ne pas brûler et sauter les étapes. Rassurons-nous. Elle ne brûle pas. Loin s’en faut. De temps à autre, elle arrive même à briller de mille feux. C’est un modèle de transmission pacifique du pouvoir. La baraka en plus sous le bras. Stabilité, gaz et pétrole tombent du ciel ou de la mer. Ingrédients fort utiles contre la pauvreté qui écrase. Tout le monde s’y est cassé les dents jusqu’à maintenant. Fragilité structurelle sur des fondations solides. Paradoxe. Les anciens, hommes et femmes de bonne volonté, ont fait ce qu’ils pouvaient en jetant les bases. Ils pouvaient avoir le sens de la prospective mais n’étaient pas en mesure d’anticiper la rupture de transmission. La mort d’Amadou Moctar Mbow vient rappeler ce qu’était l’avantage comparatif décisif du pays. Le capital humain est un de ces lauriers sur lesquels on s’est beaucoup endormis. Les corps en décomposition au large dispensent de disserter de long en large. Les atouts ne font pas tout si on n’en fait rien. Le moteur n’est plus le même. Les pilotes ont aussi changé. Une fois en place, les responsables politiques font mine de faire la découverte de choses horribles.
Malheur aux vaincus assignés à résidence
Le legs est un cadeau maison empoisonné. Ils prennent surtout conscience qu’ils feront moins de développement que de gestions de crises. La tendance est de communiquer en soliloquant et se défausser sur les autres déjà punis pour avoir été renvoyés. On s’empresse de déclarer la ruine pour distraire les attentions sur les espoirs qui seront immanquablement ruinés. Solliciter les suffrages lors d’élections trop rapprochées dont on se lasse et avoir la certitude de ne pouvoir en rien transformer la réalité est une malice dans l’air du temps. Les fossoyeurs ont eu tort de perdre le pouvoir. Malheur aux vaincus assignés à résidence, perquisitionnés. Ils crient à la persécution. Chacun son tour chez le coiffeur ou l’éternel recommencement de l’histoire. Les alternances transfèrent la douleur à d’autres. Elles ne changent pas le sort du peuple. La population écumant l’immensité des océans dit à quel point on a la tête dans l’eau. Aller à vau-l’eau et tomber dans les bas-fonds ? Qui parmi les candidats à l’exode a eu la chance d’étudier ne serait-ce que «vingt mille lieues sous les mers» et le puits sans fond des fonds marins merveilleusement décrits à l’aide d’un sous-marin appelé «le Nautilus» ?
Le système onusien ne pèse plus dans la balance
La pauvreté des scolarités, la chute dans l’ignorance, le choix de privilégier la pierre avant l’humain ont coupé des ailes. Leur pirogue n’en dispose pas pour voler. Si la chance ne sourit pas, elle fait naufrage avec ses naufragés. Le voyage en sens inverse dans ces conditions n’est entrepris ni par les Italiens ou les Espagnols. Lampedusa et les îles Canaries ont pourtant une jeunesse. La différence est qu’elle ne fait pas de vagues. Dans ces contrées, chaque sou arrive à bon port. Les décideurs ont le sens de l’intérêt et du bonheur collectif. Dans ces pays d’arrivée, des franges rétrogrades osent de nouveau s’interroger sur la capacité pour certains peuples à s’autogouverner. Elles tiennent ce culot de leurs grands-parents promoteurs d’esclavage et de colonisation. Aucune vulnérabilité nouvelle n’excuse la condescendance et le mépris à l’endroit de ceux qui font preuve de turpitudes sans fin. L’endroit où il faut être ces jours en tant que dirigeant, c’est bien New-York. Celui qui prononce un discours à la tribune de l’Assemblée générale de l’Onu se convainc de figurer dans le saint des saints. Ces grandes réunions permettent de faire de l’affichage. Elles se suivent chaque année et se ressemblent à chaque fois dans le manque d’innovation. Ces rencontres se résument à un concours du plus beau discours ou peut-être même du plus soporifique. Dans un contexte de réarmement militaire mondial et de guerres par procuration, chaque mot est à présent une munition dans un climat général de manque d’intuition. Le système onusien reste la plus grande institution du multilatéralisme. Il doit continuer d’exister. Seulement, il ne pèse plus dans la balance. Qu’un Émirat lilliputien comme le Qatar, ce n’est qu’un exemple, montre plus d’efficacité dans les négociations et accords de paix en dit long sur la nécessité de le changer. Le ballet médiatique de septembre n’a ni queue ni tête quand son organisateur perd du pouvoir, de la préséance et du respect.
Assane GUEYE