Comment comprendre que ce pays qui fait partie des plus stables au monde voie une bonne partie de sa jeunesse désirer le quitter ? Quelque chose ou beaucoup de choses d’ailleurs ne tournent pas rond. Les derniers chiffres du recensement général de la population ont parlé comme des lanceurs d’alerte. Les moins de 35 ans constituent les 3/4 avec un âge médian de 19 ans. Ce ne sont pas que de simples statistiques. Face à une telle mutation démographique, il faut être totalement irresponsable pour faire le mort ou détourner le regard. Le nouveau pouvoir s’est appuyé sur la jeunesse pour en arriver là. Mais depuis son installation, rien n’est clair dans ce qu’il dit ou propose à cette catégorie de la population. Il est vrai, personne n’a le don de prestidigitation pour changer la réalité du tac au tac. Mais on pouvait s’attendre au moins à un discours de charme qui fasse rêver. La tragédie de la ruée vers l’eau est simplement un aveu d’impuissance et d’échec de gouvernants successifs dont le dispositif le plus éclatant est le sommeil sans rêves. Les dérivatifs comme la DER et autres écrans de fumée s’inscrivent dans une sorte de changement dans la continuité. Les nouveaux responsables aux manettes tout comme les anciens ne montrent pas assez de génie. Dans une période aussi complexe et changeante, se montrer génial revient à faire de la jeunesse une cause nationale. Pas seulement avec des mots mais en inventant quelque chose de plus concret. Il faudra tout lui donner si on ne veut pas que l’avantage d’hier soit le pire cauchemar d’aujourd’hui. Après avoir mis en place les mécanismes, chaque centime destiné aux projets et emplois-jeunes doit arriver à bon port. C’est justement à ce niveau que se trouve l’autre équation.
Le pays-pilote a tout l’air d’un avion sans pilote
Les mauvaises pratiques font office de bombe atomique partout où elles essaiment. Les tiques se nourrissent du chien. Plus de 60 ans de gabegie et de kleptocratie ont fait que le pays-pilote a tout l’air d’un avion sans pilote. La corruption qui déstructure l’éducation, la santé, l’assainissement, la sécurité routière et alimentaire n’est certainement pas le fait des plus jeunes. Ces derniers sont les enfants de la crise dont les anciens sont responsables. N’ayant point travaillé pour la génération qui vient, ils lui ont plutôt laissé un champ de ruines en lieu et place de la terre d’opportunités et de débouchés. Le fait que la jeunesse sénégalaise se sente si malheureuse a bien des origines endogènes. Pour avoir étrillé l’intérêt général, bien des compatriotes ont fait la preuve qu’ils n’aiment pas le Sénégal. Sans une once de patriotisme, ils s’en servent éhontément sans le sens du service encore moins de l’État. Dans cette atmosphère de mesquinerie, ceux qui commencent à peine dans la vie ont subitement l’air de jeunes-vieux.
Non-assistance à personne en danger
Le parquet financier avec ses 27 magistrats promet de débusquer les paquets empoisonnés en évitant d’accréditer la thèse de la justice des vainqueurs. Il sera d’autant plus utile s’il parvient à prévenir et dissuader les pots-de-vin. Car le plus étonnant pour nos pays est cette facilité déconcertante avec laquelle les boucheries financières sont opérées. Aucun État n’est ignifugé contre ce fléau. Mais les degrés de prévarication ne sont pas les mêmes. Les adultes ne sont plus adulés. Les jeunes ne sont pas non plus exempts de reproches. On les infantilise en les ménageant. Le respect de l’autorité, le goût de l’effort et de la discipline, la docilité sont le cadet de leurs soucis. Dans «Le monde s’effondre», Chinua Achebe a fait observer que les oreilles des jeunes étaient devenues des ornements qui ne servent pas à entendre. Il a imputé cet état de fait à la colonisation. Comme quoi, le fardeau du dehors et celui du dedans s’entrechoquent. Insupportables pour nos bouts de bois de Dieu. Il faut voler à leur secours sinon ce sera de la non-assistance à personne en danger.
Par Assane GUÈYE