L’ONG Économie Territoire et Développement Service (ETDS) a accueilli, dans ses locaux, la journée de lancement de la campagne 2025-2026 de l’Indication Géographique Protégée (IGP) du Madd de Casamance, première labellisation du genre au Sénégal. Cette rencontre, qui a rassemblé l’ensemble des acteurs de la filière, marque le coup d’envoi de la saison de cueillette, de transformation et de commercialisation de ce fruit emblématique de la région sud.
Pape Tahirou Kanouté, directeur exécutif de l’ONG ETDS, a souligné l’importance de cette journée pour l’organisation des activités autour du Madd, désormais reconnu officiellement depuis juin dernier comme produit IGP. « L’objectif est d’accompagner les acteurs à démarrer la saison dans de bonnes conditions. C’est une filière qui a un fort potentiel mais qui reste confrontée à plusieurs défis, notamment au niveau de la cueillette », a-t-il déclaré.
En effet, les menaces environnementales, comme les feux de brousse ou les pratiques de récolte non durables, fragilisent la ressource. Pour répondre à ces enjeux, deux centres de groupage ont été mis en place avec l’appui du projet, mais la nécessité de les multiplier à l’échelle de toute la Casamance reste urgente.
Du côté de la transformation, les difficultés sont également notables. Les femmes transformatrices, principales actrices de cette chaîne, manquent d’équipements modernes et de capacités suffisantes pour valoriser la production. « Aujourd’hui, seuls 15 % des GIE disposent d’unités de transformation aux normes, un taux très faible », regrette Kanouté. La saisonnalité du fruit accentue la pression : les « banabanas », commerçants ambulants bien financés, accaparent souvent la matière première, privant les unités locales de ressources.
Quant à la commercialisation, elle reste à structurer davantage. Le Madd peine encore à intégrer les circuits de grande distribution, malgré un engouement croissant. Maimouna Sambou, présidente de l’APPIGMAC (Association pour la Protection et la Promotion de l’Indication Géographique sur le Madd de la Casamance), insiste sur la reconnaissance internationale du produit : « Lors d’un salon à Osaka, au Japon, j’ai pu constater que le Madd labellisé intéressait même des consommateurs asiatiques. J’ai tout vendu », affirme-t-elle avec fierté.
Le Madd, fruit forestier prisé et fortement enraciné dans la culture sénégalaise, représente une filière porteuse : 500 millions de francs CFA de chiffre d’affaires par an sur trois mois d’activité, selon les estimations. Pourtant, ce chiffre ne reflète que 30 % du potentiel réel, car près de 70 % des fruits disponibles dans la forêt ne sont ni récoltés ni valorisés. À cela s’ajoutent près de 30 millions de francs CFA de taxes collectées, susceptibles de bénéficier directement aux communautés locales.
Pour les initiateurs du projet, le défi est clair : structurer durablement la filière, protéger l’environnement, équiper les actrices de la transformation et élargir les débouchés commerciaux. Le Madd de Casamance, désormais reconnu, n’est plus seulement un fruit sauvage prisé : il devient un symbole économique et identitaire, une richesse à défendre et à faire fructifier.
Emedia