Ce scénario est tout à fait possible mais demande un minimum de volonté politique
Le Sénégal peut avoir tous les moyens internes pour se passer des interventions du FMI. Il suffit qu’il soit plus rigoureux dans la conduite des affaires économiques en essayant de corriger définitivement les malformations structurelles qui caractérisent une économie sénégalaise extravertie depuis les indépendances et sur lesquelles évidemment les missions du FMI n’insistent jamais.
Pour renforcer la résilience de l’économie sénégalaise face aux multiples chocs et constituer des marges de manœuvres , Il faut de bonnes politiques économiques au lieu des simples compilations de projets. Le Sénégal a besoin de stratèges. Nous devons transformer effectivement notre structure économique en abandonnant ces solutions très simplistes d’importation; de perception de droits de douanes et d’alimentation des budgets nationaux. C’est un cercle vicieux qui freine la production nationale.
Le Sénégal doit aussi réinventer de nouveaux moteurs pour son économie. Et l’État doit prendre ses responsabilités en étant plus économe et plus entreprenant. Je rêve pour ma part d’un État stratège capitaine qui investit qualitativement, au travers de solutions de portage, dans les unités économiques à créer, à l’instar de ce que la Chine a réussi. L’État Stratège reformé est devenu une réalité dans la géopolitique mondiale. Je préconise toujours le « Plus d’État et mieux d’État ».
Il faut pour investir dans des projets de qualité à fort impact sur l’emploi. Le Sénégal devrait aussi bien négocier l’opportunité que nous offrent le pétrole et le gaz.
Pour reconstituer de l’espace budgétaire des solutions alternatives aux propositions du FMI existent. Par exemple, une cure d’austérité dans le fonctionnement de l’État et de ses démembrements, la réduction des fonds politiques, un audit complet de la Senelec et de la Seneau notamment en ce qui concerne leur structure organisationnelle et leur politique de tarification, une libéralisation intégrale du secteur de l’électricité pour envisager des baisses de tarifs grâce à la concurrence, une réglementation plus contraignante des modes de passation des marchés par entente directe, sans oublier un audit global de la chaîne de valeur des subventions et des exonérations afin de s’assurer de leur pertinence économique et de l’ éligibilité effective de leurs bénéficiaires. Bien entendu, je n’oublie pas la diversification de la production des sources d’énergie vers le renouvelable et surtout la nécessaire campagne de sensibilisation contre le gaspillage de l’énergie par les agents économiques.
Le Sénégal dans le contexte actuel cherchera inévitablement à maîtriser l’inflation, à améliorer le pouvoir d’achat et à trouver de l’emploi pour les jeunes. Quitte à revoir ses priorités et observer une pause dans son programme d’infrastructures.
L’Etat fera aussi preuve de vigilance en contrecarrant les possibilités d’entente sur les prix entre acteurs des secteurs oligopolistiques comme la cimenterie, les télécommunications etc.. et s’assurer de la pertinence des subventions qui leur sont versées.
Aussi, toute transformation structurelle de l’économie sénégalaise passera par la maîtrise parfaite des lobbies nocifs intérieurs et extérieurs qui tournent autour de nos économies (tandem fonctionnaires indélicats et intérêts étrangers) et qui ne nous permettent pas de développer la production nationale
En conclusion, le respect des exigences du FMI risque de mettre l’Etat dos au mur. Ce dernier doit avoir une seule préoccupation dans ses priorités : la satisfaction des besoins fondamentaux des sénégalais. Il doit faire des efforts certes mais le FMI aussi doit assouplir dans le contexte économique international difficile actuel ses règles d’intervention. L’État doit toujours avoir en tête que cette question de la vie chère a désorganisé beaucoup de pays par le passé en emportant des gouvernements comme ce fut le cas en Tunisie ou en Égypte.
Je demeure convaincu que la qualité des autorités politiques que nous avons actuellement et leur niveau élevé d’engagement pour un développement endogène et souverain du Sénégal constituent des gages sérieux quant à un changement de cap profitable au peuple sénégalais
Magaye GAYE
Economiste International
Ancien Cadre de la BOAD et du FAGACE