Vous êtes le patron de de l’Agence nationale de la sécurité routière (Anaser), pouvez-vous revenir sur le processus qui a abouti à la création de l’agence ?
L’Anaser a été mise en place en novembre 2021 et les dirigeants nommés en fin décembre 2021. L’agence a donc commencé réellement ses activités le 14 mai 2022 avec une cérémonie de lancement de ses activités. Pour revenir sur le contexte de création de l’agence, les autorités sénégalaises pour répondre à une directive ou des recommandations nationales, sous régionales ou même internationales, l’Organisation des nations unies avaient engagés toutes les nations de mettre en place un organe directeur devant coordonner et gérer les questions de sécurité routière d’autant plus que les accidents de circulations sont considérés comme un problème de santé publique.
Le Sénégal s’y est souscrit naturellement, d’autant plus que l’Uemoa dont le Sénégal est membre avait sorti une directive en 2009 pour emboîter le pas aux nations unies et de demander à ses membres de mettre en place ces institutions. La quasi-totalité des pays membres de l’Uemoa ont eu à mettre en place une agence, un établissement ou un organisme devant faire ce travail de coordination et de gestion de la sécurité routière. Surtout que des externalités négatives dues aux accidents de la circulation font perdre à l’économie nationale des points de PIB. Donc, il devient rentable d’investir dans la lutte contre l’insécurité routière pour transformer ces externalités négatives en points positifs qui vont bonifier la contribution du secteur dans le PIB.
L’agence a donc pour rôle de gérer et de coordonner les activités de sécurité routière. Elle a également pour rôle d’élaborer la stratégie nationale de lutte contre la sécurité routière et de mettre en œuvre le plan d’action issu de cette stratégie. L’agence a pour rôle de travailler effectivement sur les cinq points de la décennie mondiale de lutte contre l’insécurité routière que sont : la sécurité des véhicules, la sécurité de l’infrastructure, la sécurité des usagers, la gestion des statistiques d’accidents et le dernier point c’est la prise en charge des victimes d’accident.
Après chaque accident la question de la prise en charge se pose avec acuité, qu’est ce qui a été ou qui est en train d’être fait pour changer la donne ?
Après un accident il y’a toujours cette prise en charge médicale. Donc, il faut capaciter les services d’urgence d’accueil au niveau du système sanitaire. Il faut que la minute d’or soit exploitée au mieux pour sauver des vies. Ça commence, cette minute d’or, par l’évacuation des victimes par les sapeurs-pompiers. Il faudra avoir des dispositifs d’intervention très rapide pour l’évacuation pour permettre de pouvoir sauver des vies. Les sapeurs-pompiers se sont dotés de motos pour pouvoir se faufiler dans la circulation. Sur l’autoroute, on est en train de pré positionner trois postes avancés des sapeurs-pompiers pour qu’en cas d’accident qu’ils puissent intervenir rapidement. Et la politique de l’Etat qu’il faudra saluer dans le domaine sanitaire c’est la mise en place de centres hospitaliers de niveau 3 dans plusieurs régions. C’est le cas à Kaffrine, Louga, Kédougou, Matam, entre autres. Nous saluons cette vision de l’Etat d’avoir décentralisé les structures sanitaires et capacités. Maintenant, ce qui reste, c’est la prise en charge financière des victimes. C’est vrai que le fond de garantie automobile est là pour se supplier à l’usager en cas du délit de fuite, en cas de défaut d’assurance ils prennent en charge les frais d’hôpitaux mais nous, nous allons plus loin en optant pour la prise en charge universelle. Cette prise en charge universelle consistera à chaque fois que des victimes sont présentées dans une structure sanitaire qu’elles soient automatiquement prises en charge avant de voir si elles sont assurées ou pas.
Les axes d’intervention de l’Anaser sont énormes, multiples, sectorielles et interministérielles. C’est pourquoi dans notre conseil d’administration nous avons cette représentation. Nous dépendons du ministère des infrastructures et du transport mais la finance est gérée par le ministère des finances et du budget.
Nous sommes en plein dans le grand Magal de Touba, un événement très accidentogène, qu’est-ce que l’ANASER a mis en place ?
Le Grand Magal et les Gamous constituent des moments très accidentogènes du fait de grands mouvements des personnes et des véhicules vers les foyers religieux. Touba a la particularité de célébrer seul cet événement. Des millions d’individus convergent vers ce foyer religieux en 48 heures et ces gens sont transportés. Donc, il faut des centaines et des centaines de milliers de véhicules pour transporter ces pèlerins. Le risque routier s’agrandit et le potentiel routier est là. Ça sera notre deuxième édition de Magal. La première édition on avait juste deux mois d’activité et on avait joint nos forces avec la société de l’autoroute de l’avenir pour mettre en place un village de sécurité routière qui permet de faire de la prévention surtout en ce qui concerne les véhicules. Demander aux automobilistes de passer à des endroits identifiés pour faire leur vérification technique bien avant le Magal. Après ce village, nous avons fait un jalonnement avec la gendarmerie sur l’autoroute, mais nous avons aussi travaillé avec les associations de mécaniciens, avec la croix rouge nationale, les sapeurs-pompiers, entre autres, pour pouvoir aider les pèlerins dans la régulation du trafic. Il faut coupler cela avec la campagne de sensibilisation dans les médias avec des spots publicitaires.
La particularité de cette année c’est que le Magal se déroule dans une période pluvieuse. C’est une période accidentogène du fait que la chaussée est mouillée, du fait aussi que le dispositif de pneumatique de notre parc automobile fait défaut le plus souvent parce que les pneus utilisés sont des pneus d’occasion. Ce sont des pneus qui n’ont plus d’adhérence avec la chaussée ce qui donne des risques de glissement ou de perte de contrôle. Ça coïncide aussi avec la mise en place des mesures que l’Etat avait prises lors de l’accident de Sikilo en interdisant les transports de nuit surtout avec les transports publics de voyageurs. C’est une très bonne disposition. À l’évaluation avec le commandement territorial, les gouverneurs de région, on a constaté que depuis la mise en place de cette mesure là les accidents sont divisés par deux ou au moins plus de deux. N’eut été l’accident de Ngueun Sarr on aurait eu un bilan très appréciable. Techniquement on peut dire que l’accident a baissé, mais c’est la gravité de l’accident qui a augmenté. Sur un seul accident, on a perdu 24 personnes. C’est pourquoi l’essentiel des mesures concerne cette cible d’autant plus que les statistiques ont montré que 80% des accidents mortels se produisent la nuit. 80% des véhicules de transport public de voyageurs ou de marchandises sont impliqués en plus des particuliers.
Pour ce Magal on a dit qu’on va se lever très tôt pour rencontrer le Khalife général des Mourides avec tous les acteurs de transport. Ils se sont engagés à lutter contre les accidents. On a tenu plusieurs réunions avec ici à l’Anaser avec un seul plan d’action qui aura comme objectif final d’avoir un Magal avec zéro accident mortel. L’Etat a convoqué tous ses services avec le même objectif c’est-à-dire d’aller vers un Magal avec zéro accident mortel. Lors du dernier Magal nous avons eu zéro accident mortel. Et nous allons reconduire le même dispositif pour ce Magal.
Vous avez évoqué la question des mesures de restriction, vu la particularité d’un événement comme le magal, les chauffeurs et les transporteurs demandent souvent un assouplissement, quelle recommandation pouvez faire ?
Je pense que la vie humaine n’a pas de prix. Toutes les mesures sont prises pour préserver la vie humaine. C’est d’abord une responsabilité individuelle avant d’être une responsabilité collective avant d’être une responsabilité de l’Etat à qui on a confié notre destinée. La responsabilité de l’Etat sera de dire que les dispositions mises en place et qui sont évaluées ont des résultats probants, arriver à convaincre les automobilistes sur le respect de ces mesures pour lesquelles on a eu des résultats probants. C’est durant ces événements qu’on doit être plus rigoureux en termes de contrôle et de jalonnement. Le maître mot c’est le respect du code de la route et des mesures prises par l’Etat.