Dire que le tourisme sénégalais traverse une période difficile relève aujourd’hui de la lapalissade. Depuis plus d’une décennie, le secteur connaît une régression constante, symptomatique d’un manque de vision à long terme. Déjà en 2012, le Professeur Mamadou Diombéra, référence incontestée du tourisme en Afrique, tirait la sonnette d’alarme dans un article scientifique intitulé « Le tourisme sénégalais à la recherche d’une nouvelle identité ».
Malheureusement, comme beaucoup de contributions émanant du monde universitaire, cette analyse lucide n’a malheureusement pas trouvé d’écho dans les politiques publiques. Treize ans plus tard, la situation demeure critique, et risque de s’aggraver si des mesures structurantes ne sont pas prises.
Dans ce contexte, plusieurs options s’offrent aux autorités : convoquer un conseil interministériel, organiser des états généraux ou encore lancer un programme national de transformation du secteur. Mon choix est clair : je plaide pour le lancement de l’Agenda National de Transformation du Tourisme et de l’Artisanat (ANTTA 2050).
Ce choix repose sur deux convictions fondamentales :
La nécessité d’une communication plus ambitieuse autour du tourisme, en tant que pilier stratégique de développement comme indiqué dans l’agenda national de transformation Sénégal 2050.
L’impératif d’adapter cette transformation aux réalités politiques, économiques et sociales actuelles.
Pour être véritablement inclusif, un tel événement devrait être délocalisé dans le pôle territorial de Thiès, facilitant ainsi l’accès aux participants issus des sept autres pôles du pays, ainsi que de la diaspora, que je considère comme le neuvième pôle stratégique du Sénégal.
En effet, aucune stratégie touristique ne saurait être pertinente sans la participation active de notre diaspora, actrice essentielle de la relance et de la promotion de la destination Sénégal dans les marchés émetteurs.
À l’image de l’Agenda national de transformation de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (ANTESRI 2050) officiellement lancé le 17 juillet 2025, l’ANTTA 2050 devrait, lui aussi, avoir pour ambition de façonner l’avenir du tourisme sénégalais, en répondant aux défis contemporains et aux mutations technologiques majeures. Il doit impérativement intégrer les enjeux du numérique, de l’intelligence artificielle et de la durabilité dans l’investissement touristique.
Pour enclencher cette dynamique, dix priorités doivent être placées au cœur des concertations. Ce sont les 10 urgences du tourisme sénégalais :
1. Finalisation et adoption du Code du tourisme ainsi que du compte satellite, outil de mesure essentiel de l’impact économique du secteur.
2. Finalisation et adoption de la Lettre de politique sectorielle, en cohérence avec les ambitions nationales.
3. Renouvellement de la convention collective des travailleurs du tourisme et de l’hôtellerie, pour une meilleure protection sociale et professionnelle.
4. Élaboration d’une stratégie de promotion, tant sur le plan national qu’international.
5. Mise en place d’une stratégie nationale d’aménagement touristique, avec une vision territoriale et durable.
6. Définition d’une stratégie nationale de financement, pour dynamiser les investissements publics et privés.
7. Conception d’une politique nationale de formation dans les métiers du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration.
8. Intégration du numérique dans tous les métiers du secteur, à travers une stratégie cohérente et adaptée.
9. Cartographie nationale des produits touristiques et des établissements (hébergements et restaurants), pour une meilleure visibilité et régulation.
10. Adoption d’une image de marque forte du Sénégal, qui fédère, inspire et attire.
Ces dix chantiers prioritaires constitueraient une boussole stratégique pour les 25 prochaines années, guidant les politiques publiques et les acteurs du secteur vers une véritable renaissance touristique.
Par Dr Philippe Ndiaga BA
Spécialiste en tourisme durable
Ancien Directeur de la réglementation touristique
Mail : philippeba87@gmail.com