A mesure que la campagne électorale pour le scrutin présidentiel du 25 février 2024 s’approche, les candidats cherchent à se positionner pour envoyer un signal au peuple électeur. C’est ainsi que le candidat Mahammad Boun Abdallah Dionne s’est prêté aux questions du journal WalfQuotidien. Cet entretien du troisième Premier ministre de Macky Sall, paru ce lundi 29 janvier 2024, nous l’avons lu avec beaucoup d’intérêt. Car le concerné reste une personnalité de premier plan sur l’espace public au regard des fonctions qu’il a occupées de 2012 à 2020.
Si le candidat qu’il est à la prochaine élection présidentielle avait à cœur d’annoncer la couleur en vue de la campagne électorale, dans le but de donner un avant-goût à ses concitoyens, il est regrettable de relever des maladresses dans sa sortie médiatique.
La bonne image que voulait afficher le candidat Mahammad Boun Abdallah Dionne est apparue en contradiction avec sa stratégie de communication. Son choix de positionnement est un fiasco. « Je n’ai plus de relation avec le président Macky Sall, ni administrativement ni politiquement », dit-il.
En voulant se démarquer pour se positionner vis-à-vis de ses concurrents, l’ancien Premier ministre, qui se targue d’être celui qui a le plus duré à ce poste (5 ans) sous Macky Sall, commet ainsi une erreur stratégique de communication. Dire qu’entre lui et Macky Sall il n’existe plus de relation, cette déclaration sonne aux oreilles des Sénégalais comme un refus d’exprimer une gratitude. Un tel discours à l’égard de la personne qui vous a mis le pied à l’étrier ne passe pas dans une société comme la nôtre.
L’homme public Mahammad Boun Abdallah Dionne que les Sénégalais décrivent comme quelqu’un de mesuré et de modéré est différent de celui qui s’est adressé à l’opinion nationale à quelques jours de l’ouverture de la campagne électorale. L’adage wolof dit : Ku wax feeñ (Qui parle se fait découvrir).
Il parle de soi avec outrecuidance pour vendre son image aux électeurs : « Personne n’est mieux placé que moi pour demander le suffrage des Sénégalais ». Sans sourciller, il déclare bille en tête : « J’ai conçu tous les projets que le gouvernement est en train de dérouler actuellement. BRT, le TER, etc. Tous ces projets ont été conçus par moi, quand j’étais Premier ministre. Personne ne peut enlever mon nom sur l’histoire de l’émergence de ce pays. Ce n’est pas possible ». Ainsi, Mahammad Boun Abdallah Dionne se bombe le torse en tirant la couverture des réalisations du régime actuel sur lui. Et le président Macky Sall qui l’a choisi pour en faire son Premier ministre ? N’aurait-il pas de mérite ?
Ce qui est le plus choquant dans les propos de ce candidat qui appelle à un « Sénégal juste et réconcilié», c’est lorsqu’il affirme, je le cite : « Quand j’étais chef du gouvernement, il n’y avait pas d’assassinats en masse. Et il y n’a pas eu de manifestations. Donc j’étais un porte-bonheur pour le président Macky Sall et pour le pays ». L’allusion est extrêmement grave et n’honore pas son auteur.
Mais il faudrait qu’on rafraîchisse la mémoire à cet ancien chef du gouvernement. Parlant « d’assassinats », Mahammad Boun Abdallah Dionne a-t-il oublié que l’étudiant Bassirou Faye a été tué par balle dans des manifestations à l’UCAD. En ce moment, c’est le successeur de Mimi Touré quiétait à la tête de la station primatoriale. Nous étions le 14 août 2014. Ce jour-là, le Chef de l’Etat était hors du territoire national. Et son Premier ministre qui s’appelle Mahammad Boun Abdallah Dionne était-ilincapable de calmer la colère légitime des étudiants qui réclamaient le paiement de leurs bourses.
Le troisième Premier ministre sous l’ère Macky Sall qui se pose en donneur de bonne conscience, doit également se souvenir de la tristesse journée du 15 mardi 2018, lors de laquelle le monde estudiantin sénégalais a été à nouveau endeuillé. Il s’agit de la mort toujours par balle de Fallou Sène, étudiant à l’Université Gaston Berger (UGB). Une deuxième victime enregistrée durant la période où Mahammad Boun Abdallah conduisait la politique du gouvernement du Sénégal.
Les deux étudiants ont perdu la vie dans les mêmes circonstances atroces. Ils ont été touchés par balle lors des manifestations d’étudiants. Ces derniers réclamaient le paiement de leurs bourses et de meilleures conditions d’études.
Le candidat Mahammad Abdallah Dionne, qui jette des pierres dans le jardin de son mentor, devait expliquer aujourd’hui aux Sénégalais pourquoi les bourses d’étudiants n’avaient-elles pas été payées à temps jusqu’à ce des manifestations furent déclenchées causant des pertes en vie humaines ? Ce serait une façon courageuse aussi «d’assumer la totale responsabilité de tous les actes qui ont été posés dans ce pays quand (il) était Premier ministre ». N’est-ce pas ?
Puisqu’il soutient mordicus qu’il n’a jamais été cité dans des malversations, il gagné a expliqué à ses concitoyens : où était passé l’argent qui devait servir au paiement dans les délais des bourses d’étudiants ?
Les Sénégalais ne sont pas amnésiques. L’ancien Premier ministre Mahammad Boun Dionne doit comprendre autant il se glorifie de son travail à la tête de la Primature, autant il existe des cafards lorsqu’il était aux affaires, comme par exemple la mort par balle des deux étudiants Bassirou Faye et Fallou Sène.
Contrairement à ceux pensaient certains comme moi, M. Dionne ne brille pas par la modestie. L’homme se considère le plus méritant des chefs de gouvernement que le président Macky Sall ait nommés. Parce qu’il a une longévité au poste. Etre chef du gouvernement pendant 5 ans, comme il le clame à cor et à cri, ne fait pas de vous le meilleur. Un peu de modestie. Les Sénégalais se souviennent encore de vos prouesses politico-politiciennes. N’est-ce pas c’est vous qui avez été envoyé au charbon pour faire avaler aux Sénégalais une liste de candidats préfabriquée en déclarant à qui voulait vous entendre, qu’avant le système du parrainage, seuls cinq candidats allaient participer à l’élection présidentielle du 24 février 2019. Pas plus. Les Sénégalais ne sont pas amnésiques. C’est le même Boun Aballah Dionne qui avait perpétré, ce que d’aucuns avaient appelé, un coup d’état électoral. Il avait déclaré, à la surprise générale, quelques heures seules après la fermeture des bureaux de vote, son candidat Macky Sall vainqueur du scrutin présidentiel au premier tour avec 58% des voix. S’arrogeant ainsi les prérogatives de l’instance habilitée qu’est la commission nationale de recensement des votes dirigée à l’époque par l’actuel Médiateur de la République, le juge Demba Kandji. Dans un Etat normal, de tels agissements constituent une entorse grave à la démocratie. Qui plus est, sa sortie allait entrainer de graves troubles dans le pays. N’eût été la sagesse de l’un des candidats malheureux à la présidentielle de 2019. Le Sénégal courait le risque de connaître à nouveau une crise postélectorale qui nous plongerait dans les années sombres de 1988 et de 1993.
Le candidat Mahammad Boun Abdallah Dionne dit, je le cite : « Personne ne peut enlever mon nom sur l’histoire de l’émergence de ce pays. Ce n’est pas possible ». Nous lui rappelons gentiment aussi que l’histoire retiendra que c’est celui qui a jeté le discret sur le Conseil constitutionnel en se substituant aux sept «sages ». L’histoire retiendra surtout que c’est l’ancien Premier ministre Mahammad Boun Abdoulah Dionne qui s’était permis une désinvolture à l’égard de la commission nationale de recensement des votes. Du jamais vu dans l’histoire contemporaine du Sénégal.
Boubacar Demba SADIO, journaliste