Agée de 33 ans, sans mari, ni enfant, Françoise Mbengue (un nom d’emprunt) raconte sa vie tumultueuse en tant que célibataire, n’ayant jamais connu l’amour d’une mère. Une mère qui, pourtant est toujours vivante, mais qui paradoxalement, n’a jamais donné une preuve d’amour à sa fille. Meurtrie et en manque d’affection, elle revient ici sur les péripéties de sa vie, qui font qu’elle a choisi de ne jamais avoir d’enfant.
«J’ai 33 ans, je ne suis pas mariée et je n’ai pas d’enfants. Ce n’est pas l’occasion qui manque, puisque j’ai des prétendants qui veulent s’engager et fonder une famille avec moi, mais c’est un choix de vie. Je ne veux pas me marier, parce que, justement je ne veux pas avoir d’enfant. Or, tout homme qui entre dans un mariage aspire à avoir un enfant. Cela peut paraitre curieux, mais j’ai mes propres raisons. Je ne veux pas enfanter parce que j’ai eu un vécu que je voudrais épargner à mon enfant. En réalité, je n’ai jamais eu d’amour maternel. Pourtant ma mère est toujours vivante et on vit ensemble dans une même maison. Cette carence m’affecte beaucoup. J’en suis même arrivée à la conclusion que ma mère m’a causée beaucoup de tort, car ce n’est pas normal qu’elle me mette au monde et qu’elle ne remplisse pas ses devoirs envers moi. En fait, si je ne veux pas avoir d’enfant, c’est que je ne veux pas faillir dans ma mission de mère. Je ne veux pas que, demain, mon enfant ne puisse pas bénéficier de l’amour dont il a besoin et que je ne puisse pas lui venir en aide psychologiquement ou physiquement, car moi je ressens ce manque.
Une cohabitation difficile entre mère et fille
Je ne suis pas la seule enfant de ma mère en carence affective. Mes frères et sœurs ont le même problème. Sauf qu’eux ont réussi à surmonter cela et à fonder une famille. Moi, je n’arrive toujours pas à digérer la pilule et cela a créé en moi un blocage. Entre rejet, insultes, énervement, j’ai tout supporté avec elle, durant mon enfance, mon adolescence et jusqu’à présent. Je vis seule avec elle dans la maison, mais on vit comme des inconnues. Le matin, on se salue, si quelqu’un a quelque chose à dire à l’autre, elle lui dit et cela s’arrête là. Si je ne suis pas au boulot, je reste enfermée dans ma chambre. Quand je tombe malade, elle ne s’inquiète pas et je préfère appeler mes frères qui ne vivent plus dans la même maison plutôt qu’elle.
Une mère désengagée depuis l’enfance
Elle est responsable de cette situation. C’est depuis le bas-âge qu’elle devait cultiver cet amour et cette complicité. Je me rappelle que durant mon enfance, lorsqu’on allait à l’école, elle ne se levait jamais pour nous aider à nous habiller ou préparer notre petit déjeuner comme le font toutes les mères de famille. C’est mon père qui faisait tout cela à sa place, il nous amenait à l’école, prenait soin de nous en cas de maladie. En fait, il était à nos petits soins alors que ma mère n’a jamais mis les pieds dans mon école. En général, les filles ont une certaine complicité avec leur mère, elles leur confient leurs peines, leurs joies, leur premier amour… Mais moi je n’ai pas cette chance. Ma mère m’a toujours rabaissée et parfois en public.
Les vains efforts d’une fille pour renouer avec sa mère
Quand je vois des filles qui sont complices avec leur mère, je les envie. J’accomplis tous mes devoirs de fille envers elle. Si je ne vais pas au boulot, je fais tous les travaux ménagers, je lui offre des cadeaux selon mes moyens. Mais imaginez-vous, ma mère n’a jamais prié pour moi. Si je lui donne de l’argent ou un cadeau, elle le regarde avec dédain et le pose à côté d’elle, sans même dire «merci». Cela me fend le cœur. En fait, je suis comme une locataire chez moi, c’est pourquoi je passe plus de temps au bureau. Je m’y sens mieux.
A la source du problème
Dés fois, on se disait que peut-être elle avait des problèmes de couple avec mon père et qu’elle transférait cette haine sur nous. Mais il n’en était rien puisqu’un jour, elle nous a dit qu’elle-même n’avait jamais eu d’amour maternel. Mais est-ce une raison pour nous faire subir le même sort ? Non, car on n’a pas demandé à naitre. Au contraire, cela devait la pousser à nous chouchouter pour qu’on ne vive pas ce qu’elle a vécu. C’est vrai qu’elle avait dés fois des problèmes de couple avec mon père car elle ne savait pas bien gérer son mariage, encore moins ses enfants. Mais mon père était quelqu’un de bien, un bon père de famille.
Le deuil d’un père aimant
Lorsque j’ai vu mes règles, j’en ai parlé en premier à mon père. Et lorsque j’avais des choses à dire, je les confiais à mon père. Il est décédé alors que j’avais 19 ans, et cela a créé un grand vide chez moi. C’est comme si je n’ai plus de parent, car l’oreille attentive qui savait m’écouter ou sur qui je pouvais compter n’est plus de ce monde. Après son décès, j’ai essayé de me rapprocher de ma mère, mais cela n’a pas marché, car elle est toujours froide. Aujourd’hui, elle commence à prendre de l’âge mais ses enfants s’éloignent de plus en plus d’elle. Par exemple, quand ma grande sœur a des problèmes dans son ménage, elle se n’en ouvre jamais à ma mère. C’est moi qui la conseille et, à la limite, j’ai pitié d’elle, parce que je sais qu’on est tous en situation de manque.
Un frein à la vie amoureuse et romantique
Je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle est méchante, mais elle est très difficile. Et c’est cette enfance difficile que j’ai vécue qui pèse toujours sur moi. Pour moi, avoir un enfant relève d’une grande responsabilité que j’ai peur d’assumer. Il m’est arrivé d’avoir une relation sérieuse avec un homme avec qui j’ai fait 3 ans, mais lorsque je lui ai dit que je ne voulais pas d’enfants, il a trouvé une occasion pour disparaitre. Il y en a eu bien d’autres, et à chaque fois que je leur disais que je ne voulais pas avoir d’enfant, les uns me riaient au nez, les autres se disaient que j’étais un enfant gâté, mais il n’en était rien. Dieu seul sait si je serai mère ou pas, mais j’ai des appréhensions. Beaucoup de gens sont en train d’avoir des enfants, mais ils ne savent pas comment s’y prendre. Moi si j’ai un problème de 10 000 francs pour acheter un médicament, je n’ose pas le demander à ma mère. Et pourtant, elle peut dépenser des millions dans des futilités.
«Je cherche un homme infertile pour ne pas être mère»
Les gens peuvent ne pas me comprendre, mais j’ai un réel problème. Je me dis dés fois, intérieurement, que si j’avais un homme infertile qui ne peut pas avoir d’enfant, j’allais m’engager. En fait, c’est pour dire que je suis prête à me marier mais pas à faire des enfants. Et pourtant j’adore les enfants, j’en suis même arrivée à en adopter un à Sos. Mais là-bas, tant qu’elle n’est pas majeure, je ne peux pas la récupérer. Elle a 9 ans et elle vient seulement les grandes vacances ou les fêtes de Noël ou Pâques.
Ndéye Anna NDIAYE