Réutiliser ou recycler les pneus abandonnés dans l’environnement est l’objectif que s’est fixée l’entreprise «Pneu art Sisko-souma» pour contribuer à la lutte contre la pollution et le réchauffement climatique. L’initiative lancée pendant le Covid, par trois jeunes de la commune de Dieuppeul-Derklè, fait face au manque de soutien pour créer une économie circulaire autour du recyclage de pneus.
Le pneu constitue la cible privilégiée des manifestants pour intensifier leurs actions lors des émeutes. En ces temps sombres, les traces de pneus brûlés sont visibles sur toutes les rues et ruelles dakaroises, ouvrageant leurs spectres sur le sol. Cette poudre est un carbone noir qui est principale- ment utilisé pour renforcer les pneus. Selon des études, il contient des particules qui polluent l’air, l’eau et les sols. Ses composants sont toxiques et constituent un problème de santé publique. Les pneus participent au réchauffement climatique par les émissions de gaz à effet de serre. Pour remédier à ce fléau, trois jeunes ont décidé de lancer en 2019 «Pneu art Sisko-Souma» une entreprise de recyclage de pneus,
dans un coin niché entre la commune de Derklé et le terrain de Castor. Mamadou, Abdoulaye et Moustapha, tous la quarantaine sonnée, ont com- mencé avec l’initiative «Set Setal». «Nous habitons dans ce quartier, mais on a constaté que tout le long de la façade du mur du terrain était transformé en dépotoir. Et les gens sont souvent victimes d’agressions. Vu le laxisme de la mairie, on a décidé de tout nettoyer, ensuite paver avec nos propres moyens. Abdoulaye, un plasticien, a donné l’idée d’embellir tout l’espace avec des pneus», a confié Mamadou, un menuisier converti en recycleur. Ils ont alors aménagé la façade avec des chaises, des fauteuils, des motos, des pots de fleur, des matériaux artistiques…
L’endroit est devenu un lieu d’attraction pour les élèves de l’école Khadimou Rassoul pendant les heures de pause. Il est 10 heures, on voit les élèves se presser pour venir s’asseoir confortablement sur un fauteuil, un tabouret… en pneu. Les efforts de ces recycleurs sont souvent chahutés par les camions frigorifiques qui viennent se garer en face de leur site bien aménagé, empêchant l’accès. «Ces camionnettes nous démotivent car elles détruisent tout le temps l’espace qu’on a aménagé et la mairie ne fait rien. Elle se contente juste des taxes que l’entreprise lui verse et se soucie peu de l’environnement qui doit être préservé», déplore Mamadou.
«Manque de soutien pour faire face au pneu»
L’entreprise «Pneu art Sisko-Souma» a volé de ses propres ailes . Ces jeunes ont réalisé des œuvres recyclées dans les jardins
de l’hôpital Fann et de Dalal Jam, mais aussi au môle 10 du Port de Dakar. A l’ère ou les problèmes environnementaux sont au cœur des préoccupations, ces jeunes recycleurs ne bénéficient d’aucun accompagnement pour créer une économie circulaire autour du pneu. «On se débrouille avec les moyens du bord. On n’a pas assez de moyens pour collecter les pneus qui sont éparpillés dans l’environnement. Le pneu seul ne suffit pas. Il nous faut d’autres produits qui concourent à la confection. On ne reçoit pas de commandes pour booster notre activité. D’ailleurs, on avait perdu une somme de 5 millions dans un marché qu’on a effectué au Port», a listé Abdoulaye. La lutte contre le réchauffement climatique nécessite la mobilisation de tous les secteurs de l’économie, y compris ceux qui donnent une seconde vie au pneu abandonné. Les défis et les impacts environnementaux soulignent l’importance d’ac- corder de l’importance au recyclage de pneus.
Fodé Bakary CAMARA