Au Mali, plusieurs officiers supérieurs de l’armée ont récemment été arrêtés par les autorités de transition, accusés de tentative de déstabilisation de l’État. Parmi eux, trois figures militaires reconnues pour leur engagement contre le terrorisme dans le nord du pays : la générale Nema Sagara, le général Abass Dembélé et le lieutenant-colonel Baba Dembélé. Cette vague d’arrestations intervient dans un contexte tendu où les équilibres entre pouvoir militaire, loyauté institutionnelle et enjeux politiques semblent de plus en plus fragiles.
Générale de terrain, Nema Sagara est l’une des premières femmes à s’être illustrées en première ligne sur le théâtre des opérations militaires dans le nord du Mali. Présente lors de la crise de 2012-2013, elle avait participé activement à la résistance contre l’avancée des groupes armés terroristes vers le sud du pays et à la reconquête de Gao et Tombouctou. Reconnue par une partie de l’armée et de la société civile comme une figure de courage et de discipline, sa mise en cause actuelle est perçue par certains comme un revers cruel pour une carrière construite dans la rigueur et l’engagement.
Le lieutenant-colonel Baba Dembélé, ancien commandant chargé de la sécurisation de la zone stratégique de Tessit, dans la région de Gao, a également été arrêté. Connu pour ses opérations sur le terrain face aux groupes armés, il est décrit par ses soutiens comme un officier professionnel et respectueux de la chaîne de commandement. À l’instar du général Abass Dembélé, également détenu, il avait jusque-là conservé l’image d’un officier loyal et engagé dans la défense des intérêts nationaux.
Les accusations portées contre ces officiers n’ont pas été étayées publiquement de manière détaillée. Le gouvernement de transition, dirigé par le colonel Assimi Goïta depuis le coup d’État de 2021, évoque une tentative de déstabilisation sans fournir d’éléments concrets accessibles à la presse. Ces arrestations ont néanmoins provoqué une onde de choc dans l’opinion publique et suscité des critiques de la part de figures militaires et civiles, qui y voient une instrumentalisation des institutions sécuritaires à des fins politiques.
Pour certains analystes maliens, cette affaire révèle une lutte de pouvoir plus profonde au sein des forces armées. Alors que le pays reste confronté à une grave crise sécuritaire, notamment au centre et au nord, la méfiance entre différentes branches de l’armée semble s’être accentuée. Les autorités actuelles, issues de deux coups d’État successifs, sont régulièrement accusées par leurs détracteurs de gouverner par la répression, en écartant les voix dissidentes, y compris au sein des rangs militaires.
Dans ce climat d’incertitude, la situation des officiers arrêtés devient un symbole des tensions qui traversent l’institution militaire malienne. Si les autorités maintiennent leur version des faits, leurs opposants affirment que ces arrestations relèvent davantage d’une stratégie de consolidation du pouvoir que d’une réelle menace sécuritaire. Au cœur de ces affrontements, c’est aussi la question de la légitimité, du respect des institutions et de la place de l’armée dans la transition qui est posée.
Emedia