Lancée dans le cadre de la réorganisation de l’espace public, l’opération de désencombrement initiée par le ministère de l’Intérieur change progressivement le visage du marché central de Mbour. Cantines, échoppes et autres installations anarchiques ont été démantelées, redonnant aux voies et trottoirs leur fonction première et fluidifiant la circulation.
Si cette initiative est saluée par de nombreux habitants soucieux d’ordre et de sécurité, elle est en revanche très mal perçue par une frange importante des commerçants concernés, notamment ceux installés depuis plusieurs décennies autour du centre de santé de Tefess. Pour eux, cette mesure, brutale et précipitée, est vécue comme une véritable injustice.
« Cela fait un quart de siècle que nous travaillons ici, aux abords du centre de santé de Tefess. Nous avons été installés depuis 2000 en toute légalité, avec l’aval du centre de santé et de la mairie. Nous payons régulièrement nos redevances : des cautions allant de 250 000 à 500 000 francs CFA, en plus des 10 000 francs que nous versons chaque mois », explique Adama Sy, commerçant affecté par l’opération.
Il déplore le manque de concertation et la brutalité de l’intervention : « Au lieu de chercher une solution, on nous sert des sommations de quitter les lieux sous 48 heures. »
Un sentiment partagé par Ibrahima Khalil Ndao, jeune militant de Pastef, qui dénonce les conséquences sociales de ce déguerpissement : « C’est une décision qui nous est très préjudiciable. Nous sommes des pères et mères de famille, et cette activité est notre seul moyen de subsistance. Je crains que cela ne pousse certains à la délinquance ou à l’émigration clandestine. Nous ne sommes pas contre l’organisation de l’espace public, mais à l’endroit où nous étions, nous ne gênions en rien la circulation. Cette route menant au port est utilisée par des camions, pas par des piétons. »
Les commerçants déguerpis estiment également que leur engagement politique en faveur du régime en place méritait un traitement plus clément, dans un contexte économique particulièrement difficile.
L’opération ne s’est pas limitée aux abords du centre de santé. Elle s’est également étendue à l’axe Préfecture–Cimetière de Tefess, contribuant à libérer les emprises du marché central et à redonner de la fluidité à la circulation dans cette zone fortement fréquentée.
Cependant, certains observateurs restent prudents quant à l’efficacité à long terme de cette initiative. Dans le passé, plusieurs opérations similaires ont été menées, souvent sans résultats durables, les marchands revenant occuper les lieux au fil du temps.
Reste à savoir si cette fois, les autorités locales parviendront à instaurer une organisation pérenne, conciliant les impératifs d’ordre public avec les réalités sociales et économiques de ces petits commerçants.
Aboubakry Kane