À Mbour, ville endeuillée par la mort d’un nombre incalculable de migrants, doit se tenir fort paradoxalement un concert de Wally Ballago Seck, ce samedi. L’organisation de ce spectacle met la plupart des Mbourois dont les parents des victimes dans tous leurs états.
Après le drame du 8 septembre qui s’est soldé par 40 morts, une pirogue qui avait quitté Mbour pour l’Espagne le 13 août a été retrouvée au large de Dakar avec des dizaines de cadavres. C’est dans ce contexte où les cœurs sont encore lourds que doit se tenir un concert du leader des Faramareen, Wally Ballago Seck.
À quelques heures de ce spectacle, des voix s’élèvent pour s’y opposer. Les parents des victimes n’en reviennent pas. «On ne peut pas avoir perdu son fils, être témoin de tant de pertes en vies humaines dues à l’émigration clandestine qui a frappé tout le pays, et ne pas s’offusquer de l’organisation d’un concert à Mbour», tempête Aminata Boye, l’un des nombreux parents endeuillés par ce drame. «J’ai passé toute la journée à présenter mes condoléances. Au quartier Téfess, on ne peut compter le nombre de disparus et de morts dans toute la ville de Mbour. À vrai dire, cela me fait beaucoup de mal quand j’ai eu l’information», ajoute-t-elle.
«On ne peut pas comprendre que tout le pays, et particulièrement la ville de Mbour, soit endeuillée par le phénomène d’émigration clandestine et que certains se permettent d’organiser un concert. Je suis prêt à me battre pour que ce concert soit annulé. Tous les Mbourois qui ont organisé une marche pour s’émouvoir du drame sont sûrement écœurés par ce qui se passe», a ajouté Ousmane Sy. «Hier, j’ai accompagné un ami au foirail. Il achetait un bœuf pour les besoins des funérailles de son fils qui est mort en mer. C’est vraiment dur. Dans ces conditions comment ne pas s’opposer à ce spectacle?», s’interroge-t-il.
«Il faut dire la vérité. Le contexte de deuil n’a pas empêché la sortie du kankourang marqué par le sowrouba. Aujourd’hui même (jeudi), il y a un grand spectacle à Santassou. C’est l’argument qu’avancent les organisateurs pour se justifier», a dit un jeune mbourois.
Aboubakry KANE