Le Président Bassirou Diomaye Faye s’est engagé dans son discours du 3 avril à procéder à l’audit du secteur minier, gazier et pétrolier et à une protection plus soutenue du contenu local au bénéfice du secteur privé national. Un processus qui risque d’être long et compliqué, et qui pourrait compromettre les projets Sangomar, Gta et la croissance économique, selon les analystes de S&P Global commodity Insights. Ils suggèrent au gouvernement de rechercher un compromis pour tenir ses promesses sans perturber les projets.
À l’image de son prédécesseur, Macky Sall, le Président Bassirou Diomaye Faye s’est engagé à renégocier et éventuellement auditer les contrats d’exploration et de production (E&P) actuels afin de maximiser les revenus. Alors que Woodside s’apprête à exporter son premier baril de pétrole de Sangomar, aucune mesure de renégociation n’est en cours. En attendant l’annonce du calendrier de ces opérations, les analystes pétroliers préviennent déjà le Président Faye que le résultat de ses décisions déterminera les perspectives d’investissement d’exploration et de production du Sénégal. Dans un article basé sur un rapport stratégique sur les risques liés au pétrole et au gaz, publié par S&P Global Commodity Insights, ces experts préviennent que «l’audit proposé pourrait compromettre les nouveaux projets et la croissance économique». Ils suggèrent aux nouvelles autorités de modérer leurs ambitions au risque de compromettre de nouveaux projets en amont. «Le programme politique de Faye risque de déclencher une crise de confiance parmi les investisseurs étrangers en E&P au moment même où le secteur des hydrocarbures du Sénégal est sur le point de verser ses premiers revenus dans les caisses de l’État», analyse Roderick Bruce, spécialisé dans la prévision et l’analyse comparative des risques hors sol dans le secteur en amont de l’Afrique subsaharienne.
Un processus long et compliqué
La croissance du PIB, prévue par S&P Global Market Intelligence, est de 10 % par an en 2024-25 et à environ 5 % en 2025-28. Elle sera principalement tirée par le démarrage imminent des premières exportations de brut et du Gaz naturel liquéfié (Gnl). Les analystes pensent que les propositions politiques radicales ont des conséquences négatives sur les projets Sangomar de Woodside, dont la production a commencé en juin et le projet de Gnl de Grand Tortue Ahmeyim (Gta) de BP. «En outre, les phases de projets non autorisées à Sangomar, Gta et Yakaar-Teranga, qui représentent un potentiel de production maximal d’environ 380 000 barils équivalent pétrole par jour d’ici 2040 selon S&P Global Vantage, pourraient ne pas se concrétiser si l’incertitude contractuelle et politique persiste», soulignent les analystes, ajoutant que les clauses de stabilisation contenues dans les contrats d’exploration et de production existants créent une garantie juridique pour les investisseurs étrangers, qui ne peuvent pas modifier les conditions sans leur accord. En plus, les contrats offrent également aux Compagnies pétrolières internationales (Cpi) un accès à l’arbitrage international. Les autorités sénégalaises ont jusqu’à présent indiqué qu’elles ne tenteraient pas de violer ou d’annuler juridiquement ces clauses. Le président Bassirou Diomaye et son homologue de la Mauritanie avaient récemment réaffirmé leur détermination à œuvrer pour la réussite du projet frontalier Gta, à garantir les droits des contractants et à préserver les intérêts de leurs nations. Pour les analystes, même si les investisseurs étrangers comme BP, Kosmos et Woodside sont disposés à s’engager auprès du gouvernement, il est très peu probable qu’ils acceptent des changements budgétaires importants qui détérioreraient sensiblement la rentabilité du projet. D’ailleurs, ils alertent que l’audit est un processus qui risque d’être long et compliqué.
Rechercher un compromis sans perturber les projets
Alors que les premiers projets offshore démarrent leur production, les experts alertent que les perspectives du Sénégal en matière d’exploration et de production sont incertaines et leur trajectoire sera déterminée par la manière dont le nouveau gouvernement décidera de s’engager auprès des investisseurs étrangers. Woodside estime le coût du projet de la phase 1 de développement du champ de Sangomar dans une fourchette de 4,9 à 5,2 milliards de dollars. La société compte analyser les résultats de la première phase avant de déterminer le lancement de la deuxième phase. Les analystes pensent que le gouvernement pourrait rechercher un compromis pour tenir ostensiblement ses promesses sans perturber les projets, en examinant le recouvrement des coûts ou en renforçant la surveillance et l’application de la loi de 2019 sur le contenu local. Les autorités pourraient également chercher à réviser les conditions de remboursement des contrats de développement partiel que Petrosen a conclus avec Woodside et BP, ou rechercher une augmentation négociée gérable.
F. Bakary CAMARA