Après 33 ans d’exil, le village de Boussoloum, situé dans la commune de Boutoupa Camaracounda et frontalier avec la Guinée-Bissau, retrouve enfin ses habitants. Ces populations avaient été contraintes de fuir les affrontements entre l’Armée et les combattants du Mfdc, au plus fort de la crise casamançaise. Grâce aux opérations de sécurisation menées récemment, les déplacés peuvent enfin retourner au travail. Cependant, la tâche qui les attend est immense. Tout doit être reconstruit. Et les autorités locales interpellent l’Etat.
La joie illumine les visages des habitants de Boussoloum, revenus chez eux après 33 ans d’exil. Émilie Mendy, la cinquantaine, et Éliane Mendy, la quarantaine, se souviennent du jour douloureux où ils ont été contraints de quitter leur village pour se réfugier en Guinée-Bissau à cause des affrontements entre l’Armée et les combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc). Éliane Mendy, âgée de 40 ans, a quitté Boussoloum en 1991 alors qu’elle avait 7 ans. Aujourd’hui, bien que ses deux parents soient décédés, elle reconnaît leur maison grâce au cimetière situé juste à côté. Elle est prête à revenir pour reconstruire la maison familiale. Mariée et mère de deux enfants, elle souhaite exploiter la terre laissée par ses parents. Cependant, elle est attristée de constater que le village ne dispose que de trois huttes et deux tentes pour toutes les populations revenues. Actuellement, elle vit chez sa sœur à Bissine, un village symbolique dans le retour des populations déplacées.
«Nous étions des étrangers à Bissau»
Emilie Mendy a également quitté Boussoloum en 1991, moins d’un an après son mariage. Elle se souvient des moments douloureux de leur départ. «Je n’avais même pas passé un an ici, et le conflit nous a chassés. Je suis partie seulement avec un pagne et un t-shirt. Je n’ai rien emporté avec moi. Nous sommes partis à Brangol en Guinée-Bissau, juste après la frontière. Vivre chez les autres était très compliqué. Nous étions des étrangers là-bas, et il était difficile d’obtenir de la terre. Tu cultives ici, et demain on te dit de partir. La famine sévissait, et nous avions du mal à assurer les repas quotidiens», narre-t-elle. Aujourd’hui, malgré les conditions de vie difficiles, Mme Mendy estime que le simple fait de passer la nuit à Boussoloum est «la plus belle chose» qui lui soit arrivée ces dernières années. «Maintenant, nous cherchons de l’aide pour obtenir de l’eau, un poste de santé, un moulin à mil, une moissonneuse-batteuse, un bloc maraîcher, un poulailler et un financement», a-t-elle sollicité.
Le maire de Boutoupa Camaracounda interpelle l’Etat
Le retour à Boussoloum marque un nouveau chapitre pour ce village, mais la restauration de ce qui a été perdu pendant ces longues années d’exil nécessitera du temps et des efforts. Ansoumana Mendy, le chef du village, énumère les priorités : «Notre première priorité, c’est l’eau, puis la sécurité. Nous sommes à un kilomètre de la frontière et la construction de nos maisons est essentielle. Un cantonnement militaire est nécessaire pour assurer notre sécurité. De plus, nous avons besoin d’un poste de santé et d’une école pour permettre à nos enfants d’étudier. Enfin, l’absence de route est un autre défi majeur.» Le maire de la commune de Boutoupa Camaracounda, Ousmane Sendeng, s’engage à accompagner la reconstruction du village. «La commune de Boutoupa Camaracounda mettra tout en œuvre pour accompagner les populations de Boussoloum qui sont revenues. Nous appelons l’État central et les partenaires opérant dans la zone à soutenir ces populations pour garantir leur réussite», souligne-t-il.
Situé à 1 km de la frontière avec la Guinée-Bissau, Boussoloum reprend vie grâce au retour de ses habitants. Cependant, le défi majeur reste la reconstruction du village, désormais transformé en une dense forêt. Seuls les cimetières et le puits servent de repères dans ce paysage. La tâche qui attend les habitants est immense, mais leur détermination est palpable.
Reportage : Assane BA (Correspondant)