Les restrictions à la liberté d’expression et le recours à la violence contre les manifestants à la suite de la décision du président sénégalais Macky Sall de reporter les élections du 25 février vont à l’encontre des obligations du gouvernement en matière de droits humains, affirme ce jour l’alliance mondiale de la société civile CIVICUS.
Plusieurs manifestants ont été arrêtés, dont la dirigeante de l’opposition Aminata Toure, alors que la police a fait usage de gaz lacrymogènes contre les manifestants. Les autorités ont également suspendu la chaîne de télévision WALF et bloqué l’accès à l’internet mobile, limitant ainsi considérablement la liberté de communication dans le pays.
CIVICUS appelle le gouvernement sénégalais à respecter les valeurs démocratiques.
« Nous appelons le président Macky Sall et les autorités sénégalaises à cesser de recourir à la violence contre les manifestants et à respecter les règles démocratiques et la volonté du peuple sénégalais de choisir ses dirigeants dans le cadre d’élections libres et équitables », a déclaré David Kode, responsable du plaidoyer et des campagnes de CIVICUS. « Les autorités sénégalaises doivent cesser de persécuter la société civile et les membres de l’opposition politique qui demandent que les réformes constitutionnelles soient respectées ».
Les députés ont voté le report des élections au 15 décembre, suite au chaos qui a régné dans l’hémicycle et à l’expulsion des députés de l’opposition par les forces de sécurité. Cette décision prolongerait le mandat du président Sall pendant des mois, jusqu’à ce que son successeur soit désigné. Les critiques ont qualifié cette décision de « coup d’État institutionnel ».
« L’annonce du report des élections par le président Macky Sall menace la démocratie sénégalaise et pourrait avoir de graves répercussions sur les droits humains dans le pays », a déclaré M. Kode. « Sa décision de s’accrocher au pouvoir menace de réduire encore davantage les progrès démocratiques obtenus au Sénégal au cours de la dernière décennie ».
Le Sénégal a longtemps été une nation relativement libre et démocratique, mais ces dernières années, il a connu un déclin des droits. En 2023, l’espace civique du Sénégal s’est considérablement dégradé à l’approche des élections présidentielles prévues, en raison des restrictions imposées par les autorités à la liberté d’association, d’expression et de réunion, ainsi que de la persécution des membres de l’opposition politique.
En décembre, CIVICUS Monitor a rétrogradé l’espace civique du pays au rang de « réprimé » après avoir enregistré l’une des plus fortes baisses de l’espace civique au Sénégal parmi tous les pays en 2023. Au début de l’année, CIVICUS Monitor a inclus le Sénégal dans sa liste de surveillance des pays connaissant une forte détérioration des libertés civiques.
L’année dernière, les autorités ont arrêté le leader de l’opposition Ousmane Sonko et dissout son parti politique, le parti Patriotes Africaines du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité (PASTEF). Les autorités ont ensuite fait usage de la force meurtrière contre les manifestants qui s’opposaient à l’arrestation de Sonko.
La police a également arrêté plusieurs journalistes qui avaient dénoncé les restrictions imposées à Ousmane Sonko et à son parti, notamment Khalil Kamara, du média en ligne indépendant Senego, et Pape Ale Niang, du site d’information Dakar Matin. Khalil a été arrêté le 5 septembre 2023 et accusé de diffusion de fausses nouvelles, de diffamation et d’offense au chef de l’État après avoir publié un article d’opinion critiquant le président Sall et l’inculpation d’Ousmane Sonko. Les autorités ont également restreint l’accès à certaines plateformes de médias sociaux, dont Tik-Tok.