Le 15 mars dernier, seize chaînes de télévision diffusées sur la TNT au Sénégal ont vu leur signal suspendu par Télédiffusion du Sénégal (TDS SA), officiellement en raison d’arriérés de paiement cumulés à hauteur de 577 millions de francs CFA (environ 880 000 euros). Parmi les chaînes concernées figurent Walf TV, iTV (groupe eMédia), Touba TV et Rewmi TV, rapporte Jeune Afrique.
Selon la directrice générale de TDS SA, Aminata Sarr, cette interruption résulte d’une réduction de la bande passante par un partenaire technique, contraignant l’opérateur à ne maintenir que les chaînes ayant régularisé leur situation financière. Cependant, cette justification est contestée par de nombreux acteurs du secteur, qui dénoncent une décision arbitraire et politiquement motivée.
Un contexte de tensions avec le pouvoir
Cette coupure intervient dans un climat déjà tendu entre le gouvernement et la presse privée depuis l’alternance politique de 2024. Mamadou Ibra Kane, président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (CDEPS), s’indigne de l’absence de décision préalable du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA), seule instance habilitée à ordonner une telle mesure.
Pour Alassane Samba Diop, directeur général d’eMedia Invest, cette affaire cache une réalité plus large : les impayés de l’État envers les médias. Il rappelle que l’État doit toujours 200 millions de francs CFA (305 000 euros) en revenus publicitaires à sa chaîne iTV, tout en lui réclamant 50 millions de francs CFA (76 220 euros) pour les droits de diffusion.
Depuis l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko, plusieurs décisions ont fragilisé les médias privés, notamment le blocage temporaire de leurs comptes bancaires et la suppression des aides à la presse pour 2024. « De manière aveugle, indistincte, les nouvelles autorités cherchent à museler la presse privée », déplore Mamadou Ibra Kane dans Jeune Afrique.
Alors que la situation financière des médias se détériore, l’absence de réaction officielle du CNRA laisse planer le doute sur une éventuelle résolution de cette crise qui met en péril la liberté d’informer au Sénégal.
Emedia