1.1. Justification de la situation de référence
Sur ordre du Président de la République, le Ministre des Finances et du Budget avait désigné une équipe sous la supervision de l’Inspection Générale des Finances, afin d’élaborer un rapport sur la situation des finances publiques au 31 mars 2024. Le rapport a été établi en application de la loi 2012-22 du 27 décembre 2012 qui a transposé dans notre ordonnancement juridique, la directive de l’UEMOA portant code de transparence dans la gestion des finances publiques. Cette loi dispose que :
« Dans les trois mois suivant chaque nouveau mandat présidentiel, la situation globale des finances publiques, et en particulier la situation du budget de l’État et de son endettement, fait l’objet d’un rapport préparé par le Gouvernement. Ce rapport, audité par la Cour des Comptes, est publié dans les trois mois suivants. »
Le Président de la République, fidèle à sa doctrine de JubJubal Jubanti, a tenu à respecter les dispositions de cette loi. C’est pour lui et le gouvernement une exigence de transparence, d’abord vis-à-vis des populations, mais également vis-à-vis de nos partenaires et des marchés financiers qui font confiance au Sénégal et qui devront continuer à nous faire confiance. Cet exercice de transparence et de reddition des comptes est également une nécessité pour en tirer les conséquences objectives, notamment pour le référentiel des politiques publiques en cours de finalisation pour opérationnaliser le PROJET.
1.2. Les constats
Le rapport sur la situation des finances publiques a révélé que la dette publique du Sénégal et les déficits budgétaires ont été plus élevés que publiés par les autorités sortantes et communiqués à nos partenaires durant la période 2019-2023. Le déficit budgétaire a été annoncé à une moyenne de 5.5% du PIB durant la période 2019-2023 mais en réalité il a été en moyenne de 10.1%, soit près du double. La dette publique a été annoncée en moyenne de 65.9% du PIB durant la période 2019-2023, mais en réalité, elle a été en moyenne de 76.3% du PIB en raison des déficits publics plus élevés que publiés.
Ainsi, à fin 2023, la dette de l’État central hors secteur parapublic est de 15 664 milliards, soit 83.7% du PIB, alors qu’elle était annoncée à 13 772 milliards, soit 73.6% du PIB. Il s’agit donc d’un supplément de dettes contractées et non publiées de près de 1 892 milliards, soit 10% du PIB de plus. Cette dette supplémentaire est principalement due à des tirages sur des prêts projets sur financement extérieur et des prêts contractés auprès des banques locales de façon non transparente. Sur la période 2019-2023, les tirages sur ressources extérieures non inclus dans les déficits ont été en moyenne de 593 milliards annuellement, et les prêts bancaires non inclus dans les déficits en moyenne de 179 milliardsannuellement.
Prenant encore l’année 2023 comme exemple. Le déficit budgétaire corrigé à fin 2023 s’établirait aux alentours de 10% du PIB, en intégrant les tirages sur ressources extérieures et les prêts auprès des banques, alors que le déficit annoncé était de 4.9%, soit plus du double.
Au-delà de ces chiffres sur le déficit et la dette, l’audit a révélé que le surfinancement du trésor public d’environ 605 milliards de FCFA à fin 2023, convenu avec le FMI et réservé pour l’année 2024, a été utilisé pour payer des dépenses non budgétisées et des dettes connues de l’État, contrairement à ce qui avait été communiqué aux partenaires. La non-disponibilité de ce surfinancement en 2024 a nécessité des emprunts non initialement programmés, notamment l’émission d’eurobonds par placement privé de 750 millions USD en juin 2024, et des crédits commerciaux syndiqués de 300 millions d’euros au troisième trimestre.
1.4. Les Conséquences
En conséquence, et en attendant la finalisation de l’audit des finances publiques, le gouvernement avait décidé de ne pas porter le dossier du Sénégal au Conseil d’Administration du Fonds Monétaire International suite à leur mission de revue de juin 2024. L’examen du dossier du Sénégal sur la base de chiffres erronés aurait conduit à un cas de « misreporting » ou « de transmission de fausses informations » pour bénéficier des tirages prévus sur les ressources du FMI. La conséquence de la transmission de données erronées pour bénéficier de tirages est le remboursement des ressources mobilisées à moins de bénéficier d’une dérogation sur la base de mesures correctrices crédibles approuvées par le FMI.
Le gouvernement a donc choisi la voie de la transparence. Le Fonds Monétaire International a été informé des résultats de l’audit des finances publiques, et le gouvernement du Sénégal sera en discussion avec leurs services pour les mesures correctives que nous comptons mettre en œuvre. Ces mesures seront mises en œuvre, soit dans le cadre du programme en cours avec le FMI pour mettre les finances publiques sur la trajectoire initialement convenue, ou dans le cadre d’un nouveau programme à négocier à très court terme et à mettre en cohérence avec le nouveau référentiel des politiques publiques.
En tout état de cause, ce qu’il faut retenir est que ce qui sera convenu avec le Fonds Monétaire International sera le programme du Gouvernement afin de mettre notre déficit budgétaire et notre dette sur une trajectoire soutenable et à un niveau de risque modéré voire faible à moyen terme. Ainsi, le gouvernement prend l’engagement de ramener la dette de l’État central de 83.7% du PIBen 2023 à moins de 70% du PIB dans des délais raisonnables. Nous nous fixons cet objectif non seulement parce qu’il correspond à nos engagements dans le cadre de l’UEMOA, mais également parce qu’il correspond à nos capacités actuelles d’endettement compatibles avec une économie saine et prospère portée par un secteur privé fort. C’est l’ambition du PROJET du Président de la République pour un Sénégal Souverain, Juste, et Prospère. En effet, la croissance moyenne sur la période 2014-2023 a été d’environ 5% malgré les déficits budgétaires effectifs d’une moyenne de 10% du PIB, deux fois plus qu’annoncé. Cela veut dire que l’action de l’État par l’endettement n’a pas été efficace.
On peut être tenté d’attribuer cette contreperformance à la conjoncture internationale, mais la faiblesse constatée de la croissance n’est en réalité qu’un retour à nos performances historiques d’une croissance de 4% (hors pétrole et agriculture volatile par essence). En effet, la croissance du PIB non-agricole a commencé sa décélération depuis 2018, donc bien avant la Covid et la guerre russo-ukrainienne, et atterrira en 2024 à moins de 4% du fait de la faible croissance du premier trimestre liée à la situation politique qui prévalait.
Le Sénégal en est donc au même point qu’avant 2012-2023 en ce qui concerne la croissance, et il n’y a donc pas lieu de s’alarmer outre mesure. Il faut regarder l’avenir. Le Plan Sénégal Emergent, dans son Plan d’Actions Prioritaires 2014-2018, avait indiqué que des investissements publics massifs étaient nécessaires pour jeter les bases d’une forte croissance, et les Plans d’Actions 2018-2023, au-delà des relances post-Covid, prévoyaient que le secteur privé prenne le relais de la croissance. Tel n’a pas été le cas, étant donné la vérité des chiffres.
De ce fait, ramener notre déficit budgétaire à 3% du PIB et la dette en dessous de 70% dans un horizon raisonnable, en mobilisant nos ressources internes tout en améliorant la qualité de la dépense, ne devrait pas nous coûter des points significatifs de croissance. Il nous faudra faire une revue systématique des projets et programmes sur financement extérieur pour déterminer ceux qui doivent se poursuivre et ceux qui seront arrêtés (ce travail est en cours) afin d’améliorer l’efficacité des investissements publics.
Les dépenses de fonctionnement seront également rationnalisées, notamment par la réduction des subventions à l’énergie, une stricte application des procédures de marchés publics, la maîtrise de la masse salariale et des stratégies d’optimisation de la commande publique et d’utilisation des biens et services. Dans le souci d’améliorer la qualité de la dépense, il s’agira pour le gouvernement de protéger les couches vulnérables par un meilleur ciblage des bourses familiales tout en éliminant les subventions non ciblées, notamment à l’énergie pour ceux qui ne devraient pas en bénéficier.
Des mesures structurelles seront également prises dans le sens de la réduction du coût de production et de vente de l’énergie pour le mixte énergétique. Pour rappel, rien que sur les années 2022 et 2023, les subventions à l’énergie ont coûté au budget de l’État 1 200 milliards FCFA.
La mobilisation des ressources internes se fera en réduisant les exonérations fiscales, en élargissant l’assiette fiscale tout en réduisant les taux d’imposition pour promouvoir un véritable civisme fiscal, et en menant des réformes qui inciteront les entreprises à la formalisation. Ceci va jeter les bases de finances publiques saines, gages d’une souveraineté budgétaire retrouvée, pour mieux accompagner le secteur privé.
Ce point de presse n’est pas le lieu de discuter des détails du référentiel des politiques publiques dont le premier draft, en cours de finalisation, circule déjà. Il vous sera présenté le 7 octobre prochain.