C’est une véritable ville flottante. Et d’ailleurs, les dernières pièces du puzzle sont presque posées en mer. Le Navire flottant de gaz naturel liquéfié (Flng) est arrivé à bon port. Les travailleurs, près de 216 personnes, ont déjà leur QG marin, accosté à la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie. D’après British Petroleum toujours, l’unité flottante de production, de stockage et de déchargement met le cap sur le site, au large de Saint-Louis. De bonnes nouvelles, se réjouissent les différents partenaires du projet. Mais la ressource offshore, tant prisée, semble assise sur une vague d’inquiétudes.
Sur la Langue de barbarie, pêcheurs, transformatrices, écologistes, pestent contre les «effets néfastes» de la phase 1 du champ gazier Grand Tortue Ahmeyim (Gta) sur leur secteur. Un champ dont la capacité de production est estimée environ 2,3 millions de tonnes de Gnl par an, ne fait plus rêver une partie des communautés. Au cœur de leur mal de mer économique et écologique : Diatara.
Diatara, «une zone rocheuse, poissonneuse et gazeuse»
Sur la langue de barbarie, toutes les critiques sur la situation de la pêche mènent vers un seul endroit : Diatara. El Hadji Douss Fall ne dira pas le contraire. L’homme, pêcheur à la ligne, a une parfaite maîtrise des côtes de Ndar et en dehors de ses frontières. «Douss», comme on le surnomme, a surfé sur plusieurs vagues du continent africain. De 1985 à aujourd’hui, l’expérimenté a péché dans les eaux de la Gambie, de la Mauritanie, de la Guinée-Bissau, du Gabon, voire du Liberia.
De nos jours, il porte sur ses épaules une association de plus de 600 membres. En casquette, la main droite posée sur une pirogue, El Hadji Douss Fall, observe avec méditation les navires des gardes côtes. Une surveillance pour respecter la «fameuse» distance des 500 mètres entre la plateforme et les pêcheurs. Pour des raisons de sécurité, ils ne doivent pas s’en approcher. Le cinquantenaire, explique Diatara : «C’est le nom d’une zone rocheuse et poissonneuse, le lieu de prédiction des pêcheurs à la ligne. Et c’est justement sur ce site que B.P a installé sa plateforme.»
D’après lui, le doute n’est pas permis : «Les caissons posés en mer à une dizaine de kilomètres des côtes et les installations industrielles modifient forcément l’écosystème marin.» Chaque caisson pèse 16 000 tonnes, mesure 55 mètres de long sur 28 mètres de large et 32 de hauteur. Des chiffres en profondeur de la mer qui inquiètent aussi la secrétaire adjointe du Comité locale de pêche artisanale (Clpa). Elle est sur le sable blanc. Derrière elle, se trouve le site de transformation de produits halieutiques, à hydrobase. Également militante de l’environnement, elle rappelle que Diatara est «un creuset de biodiversité qui permettait aux pêcheurs, de l’ancienne génération aux plus jeunes, d’attraper les poissons nobles». La dame enchaîne avec un autre regret. Pour Fama Sarr, l’Etat du Sénégal devait obliger l’entreprise British Petroleum à mener des études plus poussées avant de démarrer ses activités.
«Le mal est déjà fait», estime-t-elle. Alors, il faut des solutions. Sauf que la responsable de femmes transformatrices s’empresse de souligner que «la pose de récifs artificiels au large de Saint-Louis», l’une d’entre elles, s’est soldée par un échec. «Des récifs posés en mer ont été retrouvés à Lompoul et à Potou», se désole Fama Sarr. Face aux complaintes des communautés, les structures étatiques interpellées jouent la carte de l’assurance.
Pape Ibrahima NDIAYE (Envoyé spécial)