Un an après le naufrage tragique d’une pirogue au large de Mbour, qui avait fait plus de 40 disparus, un panel s’est tenu ce samedi dans cette ville côtière à l’initiative du Collectif des victimes de l’émigration au Sénégal (COVES). L’objectif : remettre en question la politique migratoire actuelle du Sénégal et présenter un rapport alternatif élaboré par des acteurs de la société civile.
Ce document, fruit de plusieurs mois de travail, dénonce le caractère « non inclusif » et « répressif » de la politique migratoire en vigueur, accusée de répondre davantage aux injonctions de l’Union européenne qu’aux réalités et besoins des populations locales.
« Nous pensons que la politique migratoire de notre pays n’est pas respectueuse des droits humains. Elle ne prend pas en compte les véritables causes de l’émigration. Nous sommes venus ici à Mbour pour présenter un rapport alternatif et surtout recueillir des témoignages de victimes ou de proches de victimes », a déclaré Modou Gueye, représentant de la Fondation Rosa Luxemburg.
Dans le quartier de Tefess, fief de la pêche artisanale durement touché par l’émigration irrégulière, le témoignage de Billot Diop, mère de famille, a profondément ému l’assistance. « J’ai perdu six membres de ma famille : mes deux fils et mes quatre petits-fils, tous morts en mer l’an dernier. L’émigration irrégulière est née du désespoir. Les jeunes ne voient plus d’avenir ici, surtout depuis la crise de la pêche. Avant, une seule pirogue pouvait nourrir plusieurs familles. Aujourd’hui, la mer est vide, la caisse de « yaboye » ne vaut plus rien », déplore-t-elle, la voix brisée par l’émotion.
Pour beaucoup d’acteurs associatifs présents, l’heure est à la remise à plat des politiques nationales et à un changement de paradigme. À l’image de Saliou Diouf, de l’organisation Boza Fii, qui rejette le terme même d’ »émigration irrégulière ». « Pour nous, migrer est un droit. Les jeunes ne devraient pas mourir aux frontières, en Mauritanie, au Maroc, en Libye… Il faut leur faciliter l’obtention de visas, pas les contraindre à risquer leur vie. »
À travers ce panel, les participants ont appelé à une réponse plus humaine, plus juste et surtout plus ancrée dans les réalités locales. Un message fort adressé aux autorités sénégalaises, invitées à revoir leur copie en matière de migration.
Aboubakry Kane, Emedia Mbour