« Catastrophique, ridicule ». Les qualificatifs ne manquent pas au membre de la Conférence des leaders de la coalition Yewwi Askan Wi (Yaw), Moustapha Mamba Guirassy, pour dénoncer l’arrestation de l’opposant et leader de Pastef, Ousmane Sonko. Ce dernier, déjà condamné respectivement à six mois avec sursis et à deux ans ferme de prison dans l’affaire pour diffamation l’opposant au ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, et celle du Sweet Beauté contre l’ex-masseuse Adji Sarr, file vers une 3e condamnation. Ce, après son arrestation vendredi après-midi, avant son placement en garde-à-vue.
Le maire de Ziguinchor est sous le coup de sept chefs d’accusation : Appels à l’insurrection, association de malfaiteurs, atteinte à la sûreté de l’État, complot contre l’autorité de l’État, actes et manœuvres à compromettre la sécurité publique et à créer des troubles publics graves, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et vol.
Invité du Jury du dimanche (Jdd) ce 30 juillet, l’ancien ministre, ancien député-maire de Kédougou, a ainsi réagi : “L’analyse que je fais de la situation est tout simplement catastrophique. Nous vivons une catastrophe démocratique, un déclin de notre démocratie, des jours sombres de notre démocratie.”
Le leader du parti Sénégal en tête (Set) pense, d’ailleurs, “que de l’histoire politique du Sénégal, rarement nous avons vécu des périodes aussi troubles, faites d’imprévisibilité, de tâtonnements, et d’angoisse. Je pense qu’il n’y a pas que le monde politique qui est consterné, c’est presque tous les Sénégalais. Il y a eu un blocus, nous l’avons tous constaté avec un abus d’utilisation d’une force. Un blocus qui ne reposait sur aucune décision administrative, ni décision de justice. C’était vraiment du ‘’Diay doolé’’. Cinquante jours, c’était quand même abusé. On a levé le blocus sans aucune explication.
Il relève pour s’en désoler : “On lève le blocus, c’était un non-événement. Vous avez vu que notre coalition (Yaw) n’a pas communiqué, Ousmane Sonko lui-même n’a pas communiqué. Malheureusement, encore plus ridicule pour notre démocratie quand on parle de vol de portable, et d’appel à l’insurrection, et on va arrêter le chef de l’opposition. J’ai entendu comme vous le Procureur, très mal à l’aise, expliquer ce qui s’est passé. Il a parlé d’une voiture qui était tombée en panne. Au même moment un gendarme expliquait le contraire, pour dire qu’ils étaient là-bas en faction, en train de faire de la surveillance, de la filature.
Donc, il y avait une contradiction. Le lendemain, (ndlr : hier samedi) on le (Procureur) voit encore expliquer ce vol, il y a un mot qu’il utilise, vol mais c’est arraché. C’est quand même compliqué. Je pense que nous avons fait un peu le droit. Nous comprenons tous ce que c’est un vol. Il aurait pu utiliser un terme de confiscation de portable. Il aurait pu simplement dire qu’il a gardé le portable. Il a fait une saisie de portable. Saisie, confiscation et vol, il y a une différence.”
Pour Guirassy, “parlant d’insurrection, c’est là où ça devient encore plus ridicule.” Dans la mesure ou justifie-t-il : “On comprend qu’il y a une volonté de nuire à un candidat qui gêne beaucoup la majorité présidentielle, qui gêne essentiellement le Président sortant, Macky Sall. En parlant d’insurrection, on dit qu’il a toujours fait appel au peuple. Je rappelle tout simplement notre devise : Un peuple, un but, une foi. Tout politique et lorsqu’on met en avant la démocratie, et lorsqu’on a du respect pour ce peuple-là, faire appel au peuple pour défendre la Constitution, la démocratie, ou pour se défendre, je pense que c’est la chose la plus naturelle et la plus normale dans une démocratie. Et c’est ce qui a été fait très souvent par Ousmane Sonko.”
Il ajoute : “Je rappelle qu’en 2012, lors d’un meeting à Fatick, le Président Macky Sall disait ‘’si Abdoulaye Wade confisque ma victoire, j’irai le déloger au Palais’’. Alors, est-ce que le Président Macky Sall confesserait aujourd’hui qu’il avait fait un appel à l’insurrection ? Non. Je pense tout simplement qu’il était en train de faire un appel au peuple sénégalais pour dire que le peuple doit absolument se battre pour défendre sa victoire au cas où il serait victorieux. Ousmane Sonko, quand il dit, j’ai vu la vidéo, ‘’la conférence des leaders au niveau de (Yaw) veut discuter encore, ce n’est plus le temps des explications mais, c’est le temps des décisions, et nous irons en réunion. Si la décision, c’est d’aller au Palais et déloger Macky Sall, on le fera.’’ En fait, c’est le même conditionnel qui a été utilisé, aussi bien par Macky Sall que par Ousmane Sonko, que par d’autres acteurs politiques depuis Senghor, Diouf.
Généralement, lorsqu’on veut mettre la pression sur un État, il y a un discours au conditionnel qui met en avant le peuple sénégalais pour dire qu’en dernier ressort, c’est une affaire du peuple sénégalais. Demander au peuple sénégalais de résister, lorsqu’on veut confisquer ses victoires, lorsqu’on veut confisquer ses acquis, c’est tout simplement normal dans une démocratie.”
Par conséquent, défend-il : “Présenter les choses aux Sénégalais comme étant de l’insurrection, on voit tout simplement cette volonté de lui nuire depuis l’affaire Adji Sarr, l’affaire Prodac et (celle) du portable hier.”
À l’en croire, la précision faite par le maître des poursuites selon laquelle ce dossier n’a rien à voir avec le jugement par contumace “n’avait aucune pertinence”.