Ndiaganiao ! L’évocation du nom renvoie désormais, parmi ses illustres fils, à la figure de Bassirou Diomaye Faye. Commune située dans le département de Mbour, Ndiaganiao est en train de vivre, pour une première, l’histoire d’un de ses habitants, candidat à une Présidentielle. Bés bi a visité cette localité, jusqu’au village de Ndiandiaye, fief de Diomaye.
«Nous avions partagé la case des circoncis»
Le soleil au zénith, darde ses rayons comme s’il les avait oubliés là. La girouette en deuil crie au firmament quelques brises qui daignent de poindre. Ici règne en maître la canicule, nonobstant la cour du garage qui grouille de monde. Entre les vétustes voitures qui assurent le transport, des charrettes tirées par des chevaux s’immiscent dans le décor. Carrefour rural, Ndiaganiao, commune du département de Mbour, est comme nichée à la croisée des chemins pour rallier ses villages environnants. Comme celui de Ndiandiaye, berceau de Bassirou Diomaye Faye, réputé difficile d’accès. Mais la chance sourit aux audacieux ! Sur place, dès la première quête de repères, le charretier qui conduit vers cette bourgade se révèle un intime du candidat. «Je connais bien Diomaye, confie-t-il en cours de route. A bas âge, nous avions partagé la case des circoncis. Voilà un homme digne et généreux qui a beaucoup épaulé sa communauté. Je me rappelle quand il a fallu clôturer nos cimetières que vous voyez là, sa contribution a été remarquable». Juché sur son charriot aux côtés de ses passagers, l’homme, affable sur les abords, mène jusqu’à la contrée. Après une demi-heure de trajet, Ndiaganiao s’ouvre par un dédale de concessions frappantes par leur étendue. Chez les Faye, foyer désormais célèbre par le statut d’un fils dont le nom résonne désormais au-delà des frontières, on accueille un membre de la fratrie.
Ibou, frère de Diomaye, et la consigne de l’ex-Pastef
Ce jour n’est pas comme celui qui a vu l’enfant de Ndiandiaye, périphérie de Ndiaganiao, sortir de prison, escorté par des centaines de militants ou citoyens tout court, du Cap Manuel à Sacré- Cœur. Le village du petit-fils de Dioumacor Faye, un mutilé de la 2e Guerre mondiale, était encore telle une citadelle du silence : calme, austère… Ici, personne n’avait pensé à la libération du fils de Samba Ndiagne Faye, près de 80 ans, ami d’un autre socialiste comme lui, Niadiar Sène, célèbre pour l’amendement qui lui colle à la peau. Et voilà que trois jours plus tard (ce reportage a été réalisé à la veille du report de l’élection décidé le 3 février dernier), l’on commence à rêver d’une reprise du processus, de négociations… Et le tout, dans une ambiance de destin précaire d’un présidentiable. Tout reposait donc sur ce que son mentor, Sonko, dirait. Sur ce que le Conseil constitutionnel déciderait. Mais l’homonyme de son oncle Diomaye, un ancien d’And Jëf, version clandestinité avait comme qui dirait attendu l’aval des Saltigués… Debout près de l’entrée, truelle à la main, Ibou Faye, dans une tenue d’ouvrier maçon, s’active au bricolage. C’est son frère. Au sujet de Diomaye Faye, que le vent du destin est en train de projeter vers la porte de la Présidence, il préfère donner sa langue au chat. L’on nous apprend qu’une dernière consigne provenant de la cellule de communication du parti du candidat est passée par là.
«Son père lui a très tôt inculqué le goût du savoir»
Face à l’aventure de son fils, qui vient d’inscrire toute une contrée dans les annales de l’histoire politique du pays, Ndiaganiao ne peut s’emmurer dans le silence. Habitant du village et par ailleurs responsable de l’ex-Pastef, Mor Sarr se présente comme un témoin oculaire de la vie de Diomaye. Parlant de lui, en tant qu’ami d’enfance, il l’appelle «Bassirou» tout court.
«Nous nous connaissons bien pour avoir vécu longtemps ensemble. Mais c’est à partir du collège que nous nous sommes rapprochés. Parce qu’il venait de l’école élémentaire privée Marie Médiatrice et moi de l’école publique Codé Ndiaye. Son père, étant un intellectuel qui aimait lire, lui a inculqué très tôt le goût du savoir livresque. C’est pourquoi d’ailleurs Bassirou était très fort dans les matières littéraires», raconte Mor, la mine envahie par l’émotion.
Le père, Samba Faye a été chef du village pendant 30 ans
Il raconte le candidat de la coalition Diomaye Président, fils d’un agent de développement rural. Après le collège en 1997, il se souvient que son frangin prenait la route de Mbour où, au lycée Demba Diop, il se distinguera comme un excellent élève avant de décrocher le Bac. Les échos de cette saga loin des siens parvenaient à Ndiaganiao. Mais quelques années plus tard, ses camarades au village tombent des nues. Le frère de Abdou Aziz, Thierno, Mansour a commencé à flirter avec la politique avec le lancement de Pastef. «Il ne voulait pas de la politique. Il disait toujours qu’un homme politique n’a pas de vie de famille. Et lui est trop attaché à sa famille, ses parents et ses amis. Et c’est vrai car Bassirou est quelqu’un de très respectueux, humble et effacé», témoigne Mor Sarr. C’est cela Ndiaganiao, qui rêve que l’on parle d’elle comme on le faisait de Joal, pour un autre sérère. Mais la politique est ce qu’elle est. Ce dimanche 24 mars, l’on saura s’il sera plus que le chef de village de Ndiadiaye (son père a régné 30 ans), le chef de l’Etat. Ou s’il restera dans la course.
Aboubacry KANE (Envoyé spécial)