Les drames de l’émigration irrégulière démontrent l’échec de nos politiques publiques notamment dans le secteur de la pêche. C’est la conviction de Moussa Balla Fofana, membre de l’ex-parti Pastef, invité du Jdd, ce dimanche 19 novembre.
« Depuis nos Indépendances, nous avons raté des orientations stratégiques et des politiques de souveraineté qui auraient dû nous permettre de bâtir une économie fondée sur nos moteurs. Parce que c’est l’économie qui retient les gens. La société sénégalaise a tendance à préparer l’individu pour qu’il ait une obligation de réussite. Dès votre naissance, depuis l’espace familial, il y a un conditionnement social qui fait sentir à enfant qu’il a l’obligation de s’occuper de sa mère, de s’occuper de son père, d’aider », a-t-il expliqué.
L’invité poursuit sa lecture sociologique : « Pour parler de la réussite en wolof, on dit »tekki ». Si on fait une définition littérale, ce terme ne veut pas dire « réussite » concrètement mais, « signifier ». Nous associons la réussite à la signification. Si vous n’avez pas réussi, c’est comme si vous ne signifiez rien dans ce pays. Si vous avez votre salaire, et votre entreprise, c’est comme si vous commencez à exister dans la société. Et ça, c’est le conditionnement social qui veut ça. »
L’opposant en déduit que « nous avons des valeurs extraordinaires. » « Malheureusement en face, regrette-t-il, nous avons eu des régimes qui ont toujours échoué sur comment bâtir une économie capable d’absorber cette énergie positive qui est l’envie de travailler, d’innover, et de produire. » Pire, relève-t-il : « L’Arabie Saoudite vient acheter des terres arables. Nous avons plus de 500 km de côtes. Où est cette flotte moderne qu’on devait avoir pour permettre à nos jeunes pêcheurs de rivaliser avec les Portugais et les Espagnols. Pourtant, les chalutiers ne valent que deux milliards. »
« Avec les forces de nos bras, on était capable de construire des pirogues, et d’aller en mer, on revenait avec suffisamment de matières, et quand on vendait ce poisson, on faisait une marge. Modèle économique rentable qui nourrissait des centaines de familles. Mais à cause de la raréfaction de la ressource, des accords qu’on a signés, et du fait qu’on n’a pas compris que ce secteur halieutique doit être équipé, que nous devons l’industrialiser pour en faire une priorité. On a dormi pendant 60 ans. Aujourd’hui, ce modèle économique ne marche plus », embraie-t-il.
Avant d’alerter sur le profil des migrants : « Il ne faut pas regarder ceux qui les prennent mais ceux qui conduisent les pirogues. C’est des capitaines, ce sont eux les armateurs, qui savent naviguer pour ramener du poisson. Ce sont les acteurs clés d’un système économique qui partent. Si nous continuons comme ça, mais ce sont les acteurs économiques les plus importants qui vont disparaître dans l’un des secteurs les plus importants de notre économie. »
« Pendant ce temps, qu’est-ce que fait le régime ? », s’interroge l’ancien Conseiller technique du gouvernement.
Dié BA et Abdoulaye SYLLA (Photo)