Le droit d’affection des enfants n’est pas toujours garanti, et pourtant il est essentiel à une éducation qui forge des adultes épanouis. Dans cet entretien accordé à Bés bi, le psychologue Dr Moussa Ka nous éclaire sur l’importance de l’affection, les moyens de l’exprimer, les conséquences d’une carence et les moyens de guérir un cœur sevré. Le cas des talibés est aussi abordé.
Comment l’affection prépare-t-elle l’enfant à devenir un adulte sain et épanoui ?
L’affection joue un rôle déterminant dans le développement de tous les êtres humains. Avant même la naissance, la relation avec la mère permet à l’enfant de construire les premières bases de sa santé mentale, de son affectivité et de ses modes relationnels futurs. Au cours des neuf mois de gestation, l’enfant, à travers le liquide amniotique, ressent et réagit aussi bien aux émotions, aux sentiments et à la parole de la mère. Ce qui implique que les émotions positives comme négatives ont un impact sur l’affectivité du fœtus. Et dès la naissance, l’enfant est également immergé dans une sphère sociale qui influencera son développement psychoaffectif et son adaptation dans la société. Ces liens d’attachement qui s’établissent, aux premières années de la vie, avec l’environnement immédiat de l’enfant (la famille), sont ceux qui déterminent l’attitude et le comportement futur de l’individu dans la société. Si ces liens sont bien établis, on parle d’attachement sécure, sinon d’attachement insécure.
Quelle est la pertinence de l’attachement sécure ?
C’est à travers l’attachement sécure, dont l’affectivité est le fondement, que se développe la capacité de gestion des émotions et d’établissement de relations saines avec les fonctions d’amitié, d’amour, d’admiration ou d’appartenance à une famille. C’est avec l’attachement sécure que se développent également le sentiment de sécurité affective et émotionnelle, la conscience de soi, la confiance et l’estime de soi. C’est donc par l’établissement de liens affectifs et relationnels dans la famille que l’enfant devient un adulte sain et responsable.
Comment exprimer de l’affection à un enfant ?
Il n’y a pas à proprement parler de gestes, de mots ou paroles spécifiques pour exprimer de l’affection à un enfant. La modalité d’expression de l’affection peut bien être culturelle mais l’affection, en elle-même, est universelle. Elle est la voix du cœur, même si elle peut être en carence ou mal exprimée. Il y a plusieurs attitudes et comportements pour exprimer de l’amour à ses enfants. C’est le regard affectif, la tendresse, l’attention, la bienveillance, des paroles de mise en confiance, de mise en valeur sans négliger l’expression de la règle et de la limite qui garantissent sa connaissance des limites à ne pas franchir.
Comment trouver le bon équilibre entre fixer des limites et se montrer affectueux ?
Le bon équilibre se trouve dans le style d’éducation. Le style démocratique est le lieu adapté pour jouer à l’équilibre. Il s’agit de manifester à l’enfant l’affectivité et l’attention nécessaires, construire avec lui une relation de confiance, mais aussi installer la notion d’autorité et de limite. Éviter le style autoritaire et le style indifférent.
Une tierce personne peut-elle pallier le manque d’affection des parents ?
Effectivement. La notion de liens d’attachement ne se limite pas seulement aux parents biologiques. Il s’agit seulement de la personne ou des personnes qui sont censées prendre soin de l’enfant. L’image de cette nounou qui quitte les enfants dont elle avait la charge montre qu’un enfant peut être comblé par l’affection d’une autre personne. Il arrive par ailleurs que le lien d’attachement avec les parents soit insécure, voire dangereux pour l’enfant. Cette scène montre les enfants pleurant en sanglots lors de la séparation avec leur nounou à l’aéroport.
Quelles sont les répercussions à l’âge adulte d’un manque d’affection durant l’enfance ?
L’absence de chaleur affective est l’une des expériences les plus douloureuses pour un individu, se sentir en dehors de l’affection familiale, ressentir un rejet constant ou un manque d’amour parental ou familial, affecte le bien-être émotionnel d’un enfant, laissant des traces dans ses composantes psychologiques et pouvant conduire au développement de psychopathologies plus graves, telles que des troubles du comportement, des troubles dépressifs, des troubles anxieux ou troubles de la régulation de l’humeur.
Comment aider un adulte ayant enduré la réjection ou le manque d’affection durant l’enfance ?
Par une prise en charge psychologique ou thérapie cognitivo-comportement pour aider la personne et lui redonner confiance. Mais il faut considérer que, plus tôt la prise en charge est faite, plus elle peut être efficace. Aussi, autant le mal est profond autant guérir de ces blessures peut être difficile.
Par Marily DIALLO