Un policier empoignant par le voile une jeune femme non armée et qui se livrait à son travail. Ces images bouleversantes ont été largement visionnées. La jeune femme brutalisée se nomme Absa Hane. Elle est journaliste à Seneweb et couvrait une manifestation contre le report de la Présidentielle à la Place de la Nation. En ce 8 mars, Absa s’est confiée à Bés bi. Elle revient sur son ressenti par rapport à son agression, son combat contre l’impunité, sa passion pour le journalisme et l’enfance qui l’y a préparée.
«Après une semaine de convalescence, j’ai voulu reprendre le travail et continuer à aller sur le terrain comme d’habitude. J’ai senti le regard des gens sur moi durant les premiers jours mais je me disais qu’il fallait aller de l’avant». Telle est la réponse de Absa Hane quand on lui demande si elle a des appréhensions à retourner sur le terrain après avoir été la cible d’une violente agression policière. C’est l’état d’esprit d’une jeune femme affectée mais pas abattue. Affectée par cette violence injustifiée dirigée contre sa personne. Interrogée sur son état d’esprit au moment de l’at- taque, elle indique s’être sentie humiliée, enragée et
impuissante. «Je ne pouvais rien faire parce que je faisais face à deux gaillards qui portaient une tenue que je me devais de respecter. Ma sécurité était entre leurs mains et ils étaient en même temps la source du danger. Si aujourd’hui je me porte mieux, c’est par la grâce de Dieu car, au fond, tout pouvait arriver», nous confie-t-elle.
Une attaque qui a laissé des séquelles
Arrêtée alors qu’elle faisait son travail, elle est rouée de coups dans un fourgon de police jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. Les policiers finissent par la rendre à ses collègues qui la conduisent à l’hôpital. Malgré les soins reçus, elle a ressenti pendant une semaine des mots de tête atroces. Elle avait aussi de la peine à ouvrir ses yeux sans ressentir des picotements. Pendant un certain temps, il lui a fallu prendre des médicaments pour trouver le sommeil. «L’incident restera certaine- ment une chose gravée à jamais dans ma mémoire», avoue-t-elle.
Un combat contre l’impunité
Un souvenir douloureux certes mais pas de nature à la traumatiser au point de renoncer à sa passion pour le terrain. «Mon projet d’avenir est de continuer à faire du journalisme», assure-t-elle. En parallèle, dans le présent, elle mène un courageux combat contre l’impunité de ses agresseurs. De son principal tortionnaire, elle ne connait ni le nom, ni le visage mais elle a retenu son matricule : 6. 118. Avec le soutien du Synpics et de la Convention des jeunes reporters, elle a déposé une plainte et compte aller jusqu’au bout. «Je me donnerai corps et âme pour qu’il paie pour son geste ignoble mais aussi pour qu’aucune autre personne ne subisse la violence gratuite qui m’a été infligée par mes tortionnaires», promet-elle avec détermination.
Opter pour le courage plutôt que pour la peur malgré la loi d’amnistie
Elle se dit cependant préoccupée par le vote de la loi d’amnistie qui couvre la période de son agression et garantirait ainsi qu’une agression inqualifiable reste impunie. Si elle n’est pas assurée que justice lui sera rendue elle pourra au moins se consoler d’avoir opté pour le courage qui fait oser plutôt que de se laisser envahir par la peur qui fait hésiter. Elle a beau être une jeune femme juste armée de ses outils de journalistes qui ne font le poids face aux matraques policières en termes de violence, elle a décidé que la peur ne serait pas dans son camp. Elle reste debout et déterminée à ne pas laisser la violence lui dérober sa passion.
Une enfance heureuse et studieuse à Grand Dakar
Etant de nature curieuse, elle a toujours rêvé d’être journaliste. Absa a eu une enfance heureuse à Grand Dakar. «Un quartier réputé au temps dangereux mais qui était pour moi un paradis», se remémore-t-elle. Sa mère est institutrice et élève ses enfants dans le dévouement aux études et le respect des valeurs. «Il n’y avait pas de temps pour penser à autre chose qu’aux études, même si on avait quelque fois nos moments de liberté». Elle obtient son Bac au Lycée Seydou Nourou Tall et intègre l’Iseg pour y apprendre le métier de journaliste. Elle intègre ensuite Seneweb et s’illustre par sa présence sur le terrain. En tant que femme, elle ne demande aucun traitement de faveur, juste la reconnaissance de son mérite dans une société «hostile à l’égalité homme-femme dans le milieu du travail». Elle ne cherche pas non plus à être érigée en vedette au détriment de l’information qu’elle trans- met. En ce 8 mars, Bés bi fait exception à cette règle pour mettre en avant, à travers Absa, toutes les femmes qui se battent pour informer et éclairer le public.
Marly DIALLO